ZENG FANZHI
Article
publié dans la Lettre n° 362
du
30 décembre 2013
ZENG FANZHI. C’est la première rétrospective
française de ce peintre chinois né en 1964 à Wuhan. Sans doute pour
ne pas décontenancer d’emblée les visiteurs, le parcours commence
par les toiles et les œuvres les plus récentes de cet artiste !
Celles-ci, de très grandes dimensions, s’inspirent de la peinture
occidentale, tant abstraite qu’expressionniste. Voir le Lièvre
de Dürer, reproduit dans un tableau de 4 mètres de côtés, en deux
parties jointes, avec une sorte de grillage ou de treillis de branches
qui l’empêche de passer (Hare, 2012), est assez excitant.
Il en est de même de la plupart des autres toiles des dix dernières
années. Elles représentent des paysages sans personne, ou bien,
comme Hare, avec des animaux menacés (éléphant), ou bien
avec une femme marchant le long d’une sorte de haie (Night,
2005) ou encore cet homme flottant sur l’eau au bord de la rive
(Swimming, 2006). Les formats variés et les tons doux de
ces toiles les rendent très attrayantes. Pour les dernières toiles,
Zeng Fanzhi utilise une technique originale que seul un habitué
des baguettes peut mettre en œuvre. Après avoir longuement réfléchi
à ce qu’il veut faire, il peint en quelques jours ses toiles avec
deux pinceaux tenus dans la même main. L’un reproduit ce qu’il lui
impose et l’autre suit librement.
Après ces grands formats, la salle suivante est consacrée aux portraits,
y compris le sien, et surtout aux masques. C’est à partir de 1994,
année où il s’installe à Pékin, qu’il remarque que dans cette mégalopole,
il est impossible de vivre au grand jour et que chacun semble porter
un masque. Il se met donc à peindre des personnes ou des groupes
de personnes avec des masques, à l’expression triste, mélancolique,
colérique ou rigolarde, habillées de costume plus ou moins occidentaux
et souvent affublées du foulard rouge qui distinguait les jeunesse
communistes, au sein desquelles il n’a jamais été admis, compte
tenu de ses origines modestes.
Dans la dernière salle sont présentées ses toutes premières œuvres,
à partir de 1990. La plus représentative est Hospital Triptych
N°2 (1992), où l’on voit des malades couchés, à moitié nus,
entourés de personnels soignant indifférents. C’est un triptyque
semblable qu’il présenta pour l’obtention de son diplôme en 1991.
Le jury est stupéfié mais ne le fait pas remarquer. Un galeriste
de Hong Kong le lui achète pour 6000 dollars. Zeng Fanzhi comprend
alors qu’il va pouvoir vivre de sa peinture. Le panneau du milieu
semble évoquer une Piéta, ce qui est possible puisque, dans le même
registre, on trouve The last Supper, peint en 2001. Ces scènes
d’hôpitaux lui ont été inspirées par l’hôpital voisin du dortoir
où il vivait durant ses études de peinture. Il devait en effet s’y
rendre car il n’y avait pas de toilettes dans son dortoir !
Un autre triptyque montre la maîtrise de l’artiste. Il est intitulé
Mao (2004) et, à l’œil nu, il est quasiment impossible de
distinguer le portrait du Grand Timonier. En revanche, pris en photo,
celui-ci apparaît clairement, surtout dans le panneau de gauche.
C’est tout simplement fascinant !
Une exposition passionnante qui nous permet de faire connaissance
avec un artiste qui sait faire la synthèse entre l’art chinois et
l’art occidental. Il nous faudra donc compter aussi avec les artistes
chinois et oublier nos modes de jugement occidentaux ! Musée
d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 16 février
2014. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici.
Lien : www.mam.paris.fr.
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