ET ILS S'ÉMERVEILLÈRENT…
CROATIE MEDIÉVALE
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
346
du
19 novembre 2012
ET ILS S'ÉMERVEILLÈRENT…
CROATIE MÉDIEVALE. « La veille de la Saint-Martin,
ils arrivèrent devant Zara [l'actuelle Zadar] en Slavonie, et ils
virent la cité fermée de hauts murs et de hautes tours ; et en vain
vous auriez demandé une [cité] plus belle, plus forte ou plus riche.
Et quand les pèlerins la virent, ils s'émerveillèrent beaucoup…
». Voici ce qu'écrivait, vers 1210, Geoffroy de Villehardouin
dans La Conquête de Constantinople.
La présente exposition nous montre, dans le cadre du Festival de
la Croatie en France (septembre - décembre 2012), 47 objets allant
du VIIIe au XIVe siècle nous permettant de partager, huit siècles
plus tard l'émerveillement des participants à la quatrième croisade
(1198-1204). Elle nous permet de mesurer l'importance des relations
entre les Croates, qui s'installèrent vers l'an 800 dans la province
romaine de Dalmatie, devenant les vassaux de Charlemagne, et la
civilisation méditerranéenne. Très vite ils embrassèrent le christianisme
et de nombreux édifices religieux furent construits. Parmi eux,
la cathédrale de Zagreb était l'édifice gothique le plus monumental
du sud-est de l'Europe. De tels lieux étaient voués à accueillir
et à conserver des reliques de saints. En effet dès la fin du IVe
siècle, sous la pression des besoins des fidèles, il n'est plus
question de conserver tout entier le corps d'un saint au-dessus
duquel on aura construit un édifice de culte. Ambroise, évêque de
Milan, envoie à d'autres paroisses des reliques constituées d'une
partie du corps du saint. C'est ainsi, que pour mettre en valeur
ces reliques, on fabrique des reliquaires plus somptueux les uns
que les autres, à la mesure de ce qu'ils contiennent. La Croatie
conserve des exemples rares et parfois uniques, par leur nombre,
leur forme (jambes et bras complet, paire de pieds) de reliquaires
anthropomorphes qui transcendent le corps humain dans des métaux
précieux.
Nous pouvons en admirer un certain nombre, en or ou en argent, éventuellement
ornés de pierres précieuses : Reliquaire du bras de saint Blaise
(cathédrale de Dubrovnik, vers 1185-1192) ; Deux reliquaires
d'un pied de saint Anselme (église Saint-Anselme de Nin, 1309)
; Chef reliquaire de saint Jean l'Aumônier (cathédrale de
Split, fin du XIIIe siècle) ; Coffret-reliquaire de saint Chrysogone
(Zadar, 1326). Il faut noter que le contenu ne correspondait pas
nécessairement aux objets qu'il renfermait. Un reliquaire de pied
pouvait contenir une sandale ayant appartenu au saint, ou bien renfermer
des reliques de plusieurs saints. En effet si l'Europe médiévale
comptait ses saints par milliers, en les fractionnant elle comptait
leurs reliques par centaines de milliers et cela faisaient beaucoup
de reliquaires à fabriquer et à financer !
A côté de ces reliquaires nous pouvons voir d'autres objets tout
aussi somptueux. C'est le cas de cette Couronne féminine
(Zadar, XIVe siècle), ayant sans doute appartenu à la reine Elisabeth,
épouse du roi de Hongrie et Croatie Louis Ier le Grand d'Anjou,
et de la Mitre de l'évêque Gyula (cathédrale de Zagreb, XIVe
siècle) en soie brodée de perles, ornée de trois cents pierres précieuses
(saphirs, rubis, émeraudes).
Parmi les autres objets exposés, nous remarquerons des éléments
d'architecture carolingienne, des éperons, des bijoux et surtout
des manuscrits, dont le somptueux Evangéliaire de Trogir
(XIIIe siècle), conservé dans cette ville, à l'endroit pour lequel
il fut exécuté originellement. On l'a compris, cette exposition
rassemble quelques-uns des plus beaux objets du patrimoine croate
et il serait dommage de la manquer. Musée de Cluny 5e. Jusqu'au
7 janvier 2013. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici.
Lien : www.musee-moyenage.fr.
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