JAMES
ENSOR
Article
publié dans la Lettre n° 306
JAMES ENSOR. Cette exposition est
consacrée à l’artiste qui se croyait le plus malmené par la critique
et qui en souffrait beaucoup, se réfugiant alors derrière des masques.
Il y a plusieurs façons d’aborder cet artiste belge inclassable,
à l’œuvre prolifique et polymorphe. On peut le voir comme un peintre
novateur et torturé, comme un peintre du XIXe siècle, entre naturalisme
et modernité, ou encore comme un artiste qui s’inscrit dans les
grands mouvements de l’avant-garde. Lui-même, qui avait assisté
à l’éclosion de l’expressionnisme, du cubisme, du futurisme, de
Dada, du surréalisme disait avoir « anticipé tous les mouvements
modernes ». Après avoir vu les quelque 90 œuvres, tableaux, dessins,
gravures, etc. présentées en quatre parties, nous sommes convaincus
qu’il avait raison et qu’il mérite bien une place, comme il le revendiquait,
« entre Manet et Van Gogh », même si cette place est plus petite
quand même !
La première partie est consacrée au début d’Ensor, formé à l’Académie
de Bruxelles, dont il rejeta l’enseignement. Nous y voyons des dessins,
des natures mortes, une étrange composition en coquillages et un
tableau qui marque ses débuts modernes, La Mangeuse d’huîtres, refusée
au Salon d’Anvers de 1882. Il s’engage alors dans la libéralisation
des expositions artistiques, bataille pour devenir un chef d’école
et participe notamment à la création du groupe des XX. L’année suivante
les masques font irruption dans ses œuvres et feront partie de son
univers, tout comme les squelettes.
Au salon des XX de 1887, il présente sa série Les Auréoles du Christ
ou les sensibilités de la lumière, où il traduit sa perception de
la lumière, dans son unité fondamentale, contrairement, d’après
lui, aux impressionnistes auxquels il ne veut pas qu’on le compare.
Hélas ses toiles sont éclipsées par le grand tableau de Seurat,
présent lui aussi, Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande
Jatte. Mortifié, il se réfugie derrière ses masques et ses squelettes
et peint l’immense Entrée du Christ à Bruxelles (1889) - où le Christ
est représenté sous ses traits - dont nous pouvons voir une gravure.
Ses œuvres sont désormais d’une véhémence et d’une liberté inégalées
en cette fin de siècle. Il s’était identifié au Christ, il s’identifie
alors au hareng, suivant le jeu de mots Ensor = hareng saur = art
Ensor. L’une des originalités de cet artiste est d’avoir fait 112
autoportraits, dont une partie est présentée ici, dans lesquels
il se montre tout autant avec son visage habituel, au début de sa
carrière, que sous des métamorphoses extravagantes telles un hanneton
ou un squelette. Il est également « l’auteur et la marionnette de
comédies ou de tragédies dans lesquelles il invite de temps en temps
ses détracteurs pour de cruels règlements de compte ». Non seulement
il peint des autoportraits mais il se peint également au milieu
de ses tableaux, préparant ainsi sa postérité et sa légende. Une
exposition passionnante, originale et bien documentée (petit guide
gratuit). Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 4 février. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.musee-orsay.fr.
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