LES ENFANTS DU PARADIS
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
348
du
31 décembre 2012
LES ENFANTS DU PARADIS. La Cinémathèque
française et la Fondation Jérôme Seydoux - Pathé nous font revivre,
dans un cadre spectaculaire et bien adapté au sujet, la réalisation
et la distribution de l'un des films français les plus connus et
les plus populaires dans le monde entier.
A l'origine il y a une équipe talentueuse qui se connaît bien et
qui, fait rarissime, travaille ensemble dans un même lieu, en pleine
occupation, de 1943 à 1945. Marcel Carné, déjà six films à son actif,
s'est entouré de Jacques Prévert, qui écrit le scénario, d'Alexandre
Trauner, qui conçoit les décors, et de Joseph Kosma, qui écrit la
musique. Ces deux derniers sont des réfugiés juifs hongrois qui
doivent travailler clandestinement.
Prévert écrit une histoire qui tient en une phrase : « Le
mime Baptiste aime la belle Garance d'un amour absolu et douloureux
». Son scénario mêle fiction et réalité car il intègre des
personnages ayant existé, comme l'acteur Frédérick Lemaître, le
populaire mime Jean-Baptiste Gaspard Deburau et même l'escroc notoire
Pierre-François Lacenaire, à des personnages de fiction, au premier
rang desquels se trouve Garance, un rôle spécialement écrit pour
Arletty.
Si l'équipe technique est exceptionnelle, la distribution l'est
tout autant. En effet, outre Arletty, elle comprend Jean-Louis Barrault,
qui rêvait d'interpréter Deburau, Pierre Brasseur qui joue Frédérick
Lemaître, Pierre Renoir, Maria Casarès, dont s'est le premier rôle
à l'écran, Marcel Herrand (Lacenaire) et Etienne Decroux.
Mais ce sont sans doute les décors qui ont donné à ce film ses lettres
de noblesse. Malgré les difficultés liées à l'occupation, Carné
a pu réaliser l'un des films les plus coûteux du cinéma français,
en reconstituant minutieusement le grand hall du comte, l'appartement
de Garance et surtout le fameux boulevard du Temple, appelé populairement
boulevard du Crime, car il était jalonné de nombreux théâtres populaires
où se jouaient des drames souvent sanglants ! Ce boulevard fut rasé
au cours des travaux du baron Haussmann.
L'exposition rend très bien compte de tout cela. C'est ainsi que
dès l'entrée nous avons devant nous la reproduction de la façade
du Théâtre des Funambules, imposante malgré la petitesse du lieu.
Dans les vitrines nous voyons des costumes, aux couleurs magnifiques,
utilisés pour ce tournage d'un film en noir et blanc ! Dans une
autre salle nous voyons une multitude de dessins, de gravures et
de photos d'immeubles parisiens, rassemblés par Carné, notamment
au musée Carnavalet, pour reconstituer fidèlement le Paris de 1830.
Dans une petite pièce est évoquée la musique du film avec les partitions
originales de Kosma, un orgue de barbarie, etc. Tous les murs sont
recouverts de photos, de dessins, de tableaux, représentant les
acteurs, au premier rang desquels Arletty, et l'équipe technique.
Nous avons aussi des affiches originales (Pathé en fit dix différentes
pour la sortie du film en 1945 !), dans diverses langues et de toutes
les tailles. En plus pittoresques nous avons des contrats, des états
comptables et autres documents très prosaïques.
Le document le plus extraordinaire est cependant le manuscrit original
de Prévert. Il s'agit d'une grande feuille de papier, couverte de
petits dessins en couleur, avec la description des personnages et
le fil de l'intrigue, le tout ordonné d'une manière pas du tout
linéaire. C'est tout à fait inattendu de voir comment Prévert travaillait.
Si le film, ressorti à cette occasion sur une copie neuve, nous
avait laissé un souvenir inoubliable lorsque nous l'avions vu pour
la première fois, gageons qu'il en sera de même pour cette très
belle exposition. Cinémathèque Française 12e. Jusqu'au 27
janvier 2013. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici.
Lien : www.cinematheque.fr.
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