ELOGE DU NEGATIF

Article publié dans la Lettre n° 309


ELOGE DU NEGATIF. Les débuts de la photographie sur papier en Italie, 1846-1862. Cette exposition est consacrée à l’une des premières techniques de l’art photographique, le calotype, avec la présentation de 140 négatifs et tirages des années 1840 à 1860. Nous suivons un parcours chronologique allant, d’une part, de l’aventure pionnière des premiers clichés du daguerréotype pour se terminer par l’esthétisme du calotype, et d’autre part de la reproduction commercialisée à la diffusion mondiale de l’image qui signe la fin d’un art artisanal comme le rappelle le film sur Martin Becka, photographe contemporain travaillant avec les techniques d’autrefois.
Alors qu’il fallait faire une gravure classique pour reproduire un daguerréotype, procédé avec lequel on ne pouvait faire qu’une seule image sur une plaque de cuivre recouverte d’une couche d’argent, l’invention de Fox Talbot en 1841, le calotype, utilise un négatif sur papier - ancêtre du négatif moderne - et permet le tirage d’un grand nombre de photographies. Ce procédé convient bien aux paysages, à l’architecture, aux fontaines d’Italie. Il ne se prête pas aux portraits car les temps de pose sont trop longs ce qui oblige les personnages à garder les yeux fermés !
L’exposition nous montre un choix superbe de ces négatifs et tirages réalisés sur des papiers « travaillés », papiers humidifiés, salés, albuminés, sensibilisés dans des solutions de nitrate d’argent puis séchés avant utilisation. Parmi les plus connus de ces artisans chimistes de l’image, ayant travaillé en Italie, citons les italiens Giacomo Caneva, Alphonse Davanne, Vero Veraci dont on voit un grand nombre d’œuvres. Nous avons aussi des photographes étrangers comme James Graham, Gustave de Beaucorps ou Alfred-Nicolas Normand, car il était courant à l’époque, pour les gens fortunés, d’aller faire « Le grand tour » en Italie.
Tandis que ces artistes s’emploient à faire connaître ce pays en train de construire son unité, les chercheurs inventent de nouveaux procédés pour tenir compte des problèmes rencontrés sur place par les photographes. La photographie est certainement l’art qui a connu le plus grand nombre d’évolutions techniques. Mais à cette époque, à coté des procédés et de la chimie, il y a avant tout la retouche. L’artiste photographe doit aussi être peintre et dessinateur. Par exemple il peut masquer les nuages, avec un film rouge, pour avoir un ciel limpide, ou l’arrière plan pour isoler une sculpture. Il peut aussi faire des retouches à la main directement sur le négatif. Ces métamorphoses créent des images aux effets artistiques incomparables.
Le parcours s’achève par des procédés plus récents comme la plaque de verre au collodion qui donne des résultats d’une très grande finesse. Toutefois la lourdeur et la fragilité de ces plaques laissèrent de beaux jours au négatif-papier, pourtant moins performant.
L’exposition porte une attention particulière à des artistes tels que Giacomo Canova, déjà cité, élevé au rang de chef de file du calotype, grâce au travail d’édition effectué à partir de ses négatifs papier après 1860, ou le français Le Gray, grand voyageur qui suit le périple de Garibaldi. Elle nous montre aussi la naissance des grandes maisons d’édition photographiques et en particulier celle des frères Alinari à Florence, qui font entrer la photographie italienne de plain-pied dans l’ère industrielle.
La scénographie est très bien faite et met parfaitement en valeur les négatifs, éclairés en rétro projection, et les tirages papier. Une exposition d’un remarquable intérêt. Petit Palais 8e (01.53.43.40.00) jusqu’au 2 mai 2010. L.D. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien: www.petitpalais.paris.fr.


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