DYNASTY

Article publié dans la Lettre n° 314


DYNASTY. Ce projet est né d’une fructueuse collaboration entre le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris et le Palais de Tokyo, qui ont choisi d’utiliser l’espace des deux lieux pour que quarante jeunes artistes exposent deux œuvres en résonance, l’une au Musée, l’autre au Palais. Outre l’intérêt de donner leur chance à de très jeunes gens, la découverte est agréable au visiteur qui trouve ici de la nouveauté, des idées, des techniques associées, une inventivité à partir de matériaux souvent quotidiens ou inattendus (polystyrène, parpaings, poussière …). Dynasty vise à révéler l’énergie créatrice de ces jeunes qui interrogent le monde qui les environne et subliment ce questionnement parfois douloureux en approches stylistiques multiples.
Ainsi, avec beaucoup d’humour, Yuhsin U. Chang, taïwanaise née en 1980, a-t-elle utilisé sur place la poussière de Paris récoltée par les aspirateurs des deux sites, amalgamée de colle invisible pour composer, au Musée, un jaillissement de matière et au Palais, une sorte de cascade comme si, de la matière décomposée, de la mort … rejaillissaient le mouvement et la vie. Théo Mercier, né en 1984 à Paris, donne un regard mélancolique à son géant pensif de trois mètres de haut sculpté en spaghettis, Le Solitaire, qui courbe le dos et semble au point de rupture entre résistance et affaissement sous le poids de l’inconsistance de la matière, la tristesse, le souci, l’attente ? Il nous regarde, nous émeut. Au Palais de Tokyo, cinq totems du même artiste, dont un arbre-visage aux reliefs de dentiers - les arbres auraient-ils quelque droit à mordre ? - sont dédiés à la Terre et colorent d’humour les affres de notre décadence et de nos mortels périls.
Quand Duncan Wylie, diplômé de l’ENS des beaux arts de la Ville de Paris en 2000, peint de fort belles toiles de grand format, c’est pour donner à voir des évocations du séisme d’Haïti, des carcasses d’immeubles après un bombardement et la déforestation de l’Amazonie. Différemment dans l’expression, Chen Yang, diplômé en Chine, utilise son et projection sur petit écran pour mettre en scène un aquarium sur un chantier en démolition, où les poissons s’agitent frénétiquement pour échapper aux implacables morceaux de sucre qui tombent comme des parpaings dans leur espace, les surprennent puis les envahissent, les coincent, les broient, tels le poids, le volume et la densité de nos constructions et de nos déchets.
La place nous manque pour citer un à un ces jeunes et leurs interrogations sur la rencontre, la violence, la peur, l’incertitude, le déboussolement de notre monde où l’homme fait partie de la « matière triturée » et bombardée de sons. Par chance, elle aboutit ici à une heureuse créativité où compétences musicales et techniques de sonorisation (Robin Meier et Ali Momeni), picturales, plastiques, photographiques, s’épanouissent en complémentarité. Une exposition à découvrir, elle en vaut la peine. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e et Palais de Tokyo 16e. Jusqu’au 5 septembre 2010. L.D. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.mam.paris.fr.


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