JIMMIE DURHAM
Pierres rejetées ...

Article publié dans la Lettre n° 294


JIMMIE DURHAM. Pierres rejetées … Né en 1940 aux Etats-Unis, Jimmie Durham présente sa première exposition personnelle à Austin (Texas), en 1965. Il s’intéresse à toutes les formes d’art, y compris la poésie (il a publié un recueil de poèmes en 1983). Il s’installe à Genève en 1969 et prend ainsi conscience des problèmes des indiens d’Amérique et des africains, nombreux à venir défendre leurs causes devant les organismes mondiaux. En 1973 il retourne aux Etats-Unis et s’engage politiquement au sein du Mouvement indien américain jusqu’en 1980. C’est ainsi qu’il est le représentant aux Nations unies du Conseil international des traités indiens, dont il est aussi le directeur exécutif. En 1987 il s’installe à Mexico et en 1994 il revient en Europe. C’est cette année-là qu’il a choisie comme point de départ des quelque soixante œuvres qu’il nous présente aujourd’hui, à Paris.
L’originalité de sa vision en fait un des artistes majeurs d’aujourd’hui, dont l’œuvre est pourtant largement méconnue. Le thème de l’exposition, « Pierres jetées … », est extrait du Psaume 118, verset 22, qui chante les « bâtisseurs », à savoir le pouvoir étatique, ceux qui dans leurs constructions rejettent les pierres que Dieu utilise ensuite comme pierres angulaires pour ses propres desseins. En fait Jimmie Durham s’était mépris sur le sens de « ces pierres qu’ont rejetées les bâtisseurs », pensant que ces bâtisseurs représentaient Dieu et non pas l’Etat, mais il aimait cette idée de « rejetée », comme une sorte d’anti-Etat ou d’anti-monument.
Le thème de la pierre en mouvement est au centre d’un grand nombre d’œuvres exposées là, à commencer par ce petit avion de tourisme cassé en deux par une grosse pierre (Encore tranquillité, 2008), dans lequel on peut voir un « bébé avion » tué avant qu’il ne s’élance, une fois grand, sur les Twin Towers. On voit aussi une chaise cannée transpercée par une pierre tombée du ciel (A Meteoric Fall to Heaven, 2000), une pierre posée sur une table (A stone rejected by the builder (1), 2006) et aussi un réfrigérateur usagé, complètement déformé par des pierres lancées sur lui par l’artiste, durant une semaine, au cours d’une performance en Champagne-Ardenne (St Frigo, 1966).
L’artiste nous présente aussi plusieurs films, tous réalisés avec Maria Thereza Alves. L’un d’entre eux, par exemple, nous montre des pierres tombant dans un seau de peinture qui éclabousse tout, autour de lui. Dans un autre film nous voyons l’artiste écraser avec une pierre toutes sortes d’objets qu’on lui présente et délivrer ensuite une sorte de certificat (Smashing, 2004, 92 minutes).
Il y a assurément quelque chose de jouissif dans toutes ces œuvres qui évoquent plus des canulars que des constructions métaphysiques ou philosophiques complexes. C’est cela qui fait son charme. Il est amusant de voir tous ces autoportraits où l’artiste se représente de façon extravagante (Self-Portrait with Black Eye and Bruises, 1995-2006 ou Self-portrait as Rosa Levy, 1995-2006), ou ces deux vitrines en hommage à Magritte et Maigret (Types of Pipes, by Magritte, 1993 et Types of Murder Weapons, by Maigret, 1993) ou encore ces vitrines comme celles que l’on pourrait trouver dans un vieux musée pour évoquer la pétrification (The Dangers of Petrification, 2007) avec des représentations de fromages, saucisses et autres objets pétrifiés. Certaines œuvres sont immenses comme Sweet Light Crude, 2008, faite avec 25 barils de pétrole peints de différentes couleurs avec un mot sur chacun d’entre eux.
L’originalité et la variété des œuvres est la principale caractéristique de cet artiste. Qui penserait à présenter une simple cagette en bois posée sur un réchaud électrique, le tout sur un socle cubique de 150 cm de coté, accompagné de 21 notices plastifiées de plusieurs pages chacune expliquant, dans autant de langues, la signification de cette cagette ? Celle-ci évoque le père de l’artiste, ouvrier saisonnier qui allait ramasser des oranges dans une cagette semblable (Palos de la Frontera, 2003). Chaque œuvre nous livre son lot de surprises et d’amusements comme ce Morceau de bois sculpté par un chien et peint par un homme et ce Morceau de bois sculpté par une machine et peint par un homme (2003). Rien ne nous laisse indifférents et c’est avec beaucoup de plaisir que nous parcourons cette très agréable exposition. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 12 avril 2009. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.mam.paris.fr.


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