RAOUL DUFY, LE PLAISIR

Article publié dans la Lettre n° 290


RAOUL DUFY, LE PLAISIR. Alors que cet artiste, né au Havre en 1877, était très apprécié de ses contemporains, cette rétrospective est la première à Paris depuis celle organisée en 1953, quelques mois après sa mort, dans l’autre aile du Palais de Tokyo, par le Musée national d’Art Moderne. Nous avons la chance de pouvoir admirer, suivant un ordre chronologique, 120 peintures, 90 dessins, gravures et livres illustrés, 30 tissus et quelques vêtements, provenant des plus grands musées du monde faisant enfin sortir Dufy du Purgatoire.
L’exposition commence donc par ses années fauves (1906-1907) où déjà il met en pratique le principe des tableaux « en série » (La plage de Sainte Adresse, 14 juillet au Havre) que l’on retrouvera tout au long de sa vie. Il travaille en compagnie d’Othon Friesz, havrais comme lui, avec qui il partage une chambre à Montmartre, de Marquet et de Braque. Il fréquente aussi Derain et Matisse. Peu après il s’intéresse à Cézanne et géométrise les formes (Arcades à l’Estaque).
Curieux de tout, intéressé par tous les procédés picturaux, sachant tirer parti de ce que chacun d’entre eux apportent, travaillant même avec des chimistes pour mettre au point de nouveaux mediums, comme le procédé Maroger, Dufy remet à l’honneur certaines techniques comme la xylographie sur papier qu’il utilise d’une manière magistrale dans l’illustration de Le Bestiaire ou le Cortège d’Orphée (1908-1910) de Guillaume Apollinaire dont on voit les 30 gravures.
En 1910 il dessine des modèles de tissus pour la firme Atuyer-Bianchini-Férier, une collaboration qui durera jusqu’en 1928. Lui-même monte avec le couturier Poiret une entreprise d’impression sur tissus, la Petite Usine, qui fermera assez vite. En 2008, Agnès B réutilise des dessins de Dufy, achetés en salle des ventes pour faire des chemises et des robes !
Il fonde au Havre, en 1915, l’ « Imagerie R. Dufy », pour diffuser des gravures patriotiques. Engagé volontaire, il propose des images de propagandes au ministère de la Guerre. Plusieurs de ces œuvres sont exposées.
En 1918 il fait la connaissance de Jean Cocteau et, deux ans plus tard, il fait les décors et les costumes d’une pièce de ce dernier, Le Bœuf sur le toit. Nous voyons aussi des céramiques et des objets décoratifs, tels que des « jardins d’appartement », sorte de maquettes de maisons ou de patios. On le voit, entre les deux guerres, il s’intéresse à tout et voyage beaucoup (Allemagne, Italie, Maroc, Espagne, Angleterre, …).
L’exposition se poursuit par de grandes séries qu’il réalisa au cours des vingt-cinq dernières années de sa vie (1938-1953), années placées sous le signe de la vitesse, de la couleur et de la lumière alors qu’il est déjà atteint de polyarthrite qui le contrait à peindre quasiment immobile. Les sujets sont plaisants ou énigmatiques, avec des couleurs chatoyantes aux bleus profonds : paysages, fenêtres ouvertes, ateliers, musiciens (il était issu d’une famille de musiciens), régates, etc. Le thème le plus étrange est le « cargo noir » que l’on trouve au milieu de toutes sortes de compositions, y compris en pleine ville. Pour Dufy c’est l’illustration du soleil, tellement éblouissant qu’on ne peut pas le voir. L’exposition se termine par La Fée Electricité, la plus grande toile du monde avec ses 600 m², commande de la Compagnie Parisienne de Distribution d’Electricité pour un pavillon de l’Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne, de 1937. Depuis 1964, cette œuvre est exposée en permanence dans le musée, dont elle constitue la principale attraction. Une très belle exposition, qui illustre bien son sous-titre, le plaisir, d’après un écrit de Gertrude Stein, en 1946. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 11 janvier 2009. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.mam.paris.fr.


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