LE DOUANIER ROUSSEAU L’INNOCENCE RETROUVÉE

Article publié dans la Lettre n° 396
le 2 mai 2016


 
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LE DOUANIER ROUSSEAU. L’INNOCENCE RETROUVÉE. Né en 1844 à Laval, mort en 1910 d’une gangrène à la jambe à Paris, Henri Julien Félix Rousseau est un artiste atypique et inclassable même si on l’a longtemps considéré comme un « peintre naïf ». Ce n’est qu’à quarante ans qu’il se met à peindre en autodidacte, puis en apprenant les codes de la peinture officielle auprès de peintres comme Gérôme, Clément, dont il est un temps le voisin, ou Bouguereau. Néanmoins il élabore un style que l’on peut rattacher à d’autres artistes, comme Paolo Uccello pour la perspective simplifiée et les peintres de la renaissance pour les portraits devant des paysages, dont Rousseau se disait l’inventeur ! Ce qui est remarquable dans son œuvre c’est que, même en ayant dépassé le niveau de « peintre du dimanche » comme le décrivent ses premiers biographes, Rousseau ne suit que ses propres règles, transformant la peinture lisse des peintres académiques en un langage singulier aux accents oniriques. Il est très conscient de l’originalité de son art et, « par un travail opiniâtre », selon ses mots, il conserve son style et sa manière tout au long de son œuvre.
Plus qu’un énième hommage à ce peintre (voir l’exposition du Grand Palais de 2006 – Lettre 256), les commissaires de l’exposition montrent l’influence de celui-ci sur ses contemporains. Pour cela, à côté de 46 tableaux d’Henri Rousseau, qu’Alfred Jarry, qui sera son ami jusqu’à sa mort, a surnommé « Le douanier » (en fait il est employé d’octroi), ils présentent des œuvres de ses contemporains, qu’il a inspirés. C’est ainsi que l’on a côte à côte Le Portrait de Monsieur X (1906) et Le Mécanicien (1918) de Fernand Léger ; La Carriole du Père Junier (1908) et Le Fiacre (1916) de Carlo Carrà ; L’Enfant à la poupée (1904-1905) et Maya à la poupée (1938) de Picasso. Nous avons également des tableaux dont Rousseau a pu s’inspirer, soit directement, soit à travers des publications. Par exemple cette Nature morte aux fruits (1865-1880) d’un peintre anonyme et Nature morte (1910) ; Fillette à l’ardoise (vers 1845) d’un autre peintre anonyme et Pour fêter bébé ! (1903) ou encore Egalité devant la mort (1848) d’Adolphe Bouguereau et La Guerre (vers 1894).
Henri Rousseau est très admiré par les créateurs de l’avant-garde. Des écrivains comme Guillaume Apollinaire, qui écrit en 1911 « Je l’ai vu souvent travailler et je sais quel souci il avait de tous les détails […] il n’abandonnait rien au hasard et rien surtout à l’essentiel ». Des peintres comme Carlo Carrà, Giorgio Morandi, Fernand Léger, Robert Delaunay, Wassily Kandinsky et surtout Picasso qui collectionnent ses tableaux. En 1908 ce dernier organise un banquet au Bateau-Lavoir où il invite de nombreux amis, tels Max Jacob, Georges Braque, Gertrude et Leo Stein, Marie Laurencin, Apollinaire, pour rendre hommage à Rousseau. C’est là que celui-ci déclare en s’adressant à Picasso : « Nous sommes les deux plus grands peintres de l’époque, toi, dans le genre égyptien, moi dans le genre moderne ». Rousseau a 64 ans, Picasso 27 et, dans le contexte de ce début de XXe siècle, ce n’est pas faux. De même, en 1911, lors de la première exposition du mouvement allemand du Blaue Reiter (Le Cavalier bleu), Kandinsky, l’un de ses fondateurs, expose deux toiles de Rousseau qu’il a acquises.
Le parcours de l’exposition est thématique, avec une dizaine de sections : Portraits-Paysages ; L’innocence archaïque ; Femmes monuments ; Enfances cruelles ; De Rerum Natura ; L’étrangeté des lieux ; La Guerre ; le Blaue Reiter ; Un aperçu du Paradis et La Parade sauvage. Dans les dernières sections sont exposés ces chefs-d’œuvre que sont La Guerre (vers 1894) ; Le Lion, ayant faim, se jette sur l’antilope (1898-1905) ; Joyeux Farceurs (1906); La Charmeuse de serpents (1907), commande de la mère de Delaunay ; Combat de tigre et de buffle (1908) ; La Cascade (1910) et surtout Le Rêve (1910), dernier tableau présenté par Rousseau de son vivant au salon des indépendants où il expose depuis 1885. Une exposition qui donne toute sa place à l’un des plus grands peintres du XXe siècle. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 17 juillet 2016. Lien : www.musee-orsay.fr.


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