GUSTAVE DORÉ (1832-1883)
L’imaginaire au pouvoir

Article publié dans la Lettre n° 365
du 3 mars 2014


GUSTAVE DORÉ (1832-1883). L’imaginaire au pouvoir. Cela faisait trente ans qu’aucune rétrospective n’avait été consacrée au plus célèbre illustrateur de son temps, connu dans le monde entier. Mais il n’était pas que cela et les commissaires nous présentent toutes les facettes de son immense talent puisqu’il fut aussi peintre, sculpteur, graveur et aquarelliste.
Il est né à Strasbourg mais c’est à Bourg en Bresse, où son père est nommé ingénieur en chef des Ponts et Chaussée de l’Ain en 1840, qu’il se fait remarquer par ses caricatures et ses dessins. Il n’a que douze ans quand un éditeur local publie ses premières lithographies, sur les travaux d’Hercule. A quinze ans, ses parents le présentent à l’éditeur parisien Charles Philipon qui publie ses caricatures dans le Journal pour rire et lui paie ses études au lycée Charlemagne. La facilité avec laquelle il gagne sa vie, auquel s’ajoute durant toute sa vie un travail acharné (il réalisera quelque 10.000 dessins), lui fait penser qu’il peut devenir peintre sans apprentissage. Cela lui sera fatal dans un milieu où il convient de respecter les usages, en suivant les cours donnés dans les ateliers ou au conservatoire. Il ne sera jamais reconnu de son vivant en tant que peintre ou sculpteur. La plupart de ses contemporains passèrent ainsi à côté d’un artiste original et talentueux, doué d’une incroyable imagination, comme on peut le voir dans la présente exposition.
Le parcours est découpé en deux parties, chacune en des lieux différents. La première, « Gustave Doré intime et spectaculaire », nous présente tout d’abord des peintures de Saltimbanques montrant l’intérêt de l’artiste pour des sujets originaux, comme l’est également Entre ciel et terre, une peinture de 1862 où l’on voit, accrochée à un cerf-volant, une grenouille dévorée par des cigognes, une « distraction » qu’il aurait vue en Alsace.
De nombreuses sculptures sont également présentées dans cette partie. On remarque, entre autres, un amusant bronze, Joyeuseté dit aussi A saute-mouton (1881), un plâtre de 1879, L’Effroi (l’Amour maternel), un monumental plâtre patiné de trois mètres de haut, La Parque et l’Amour (1877) ou encore une grande pendule, Le Temps fauchant les amours (1879), en bronze doré et ciselé.
Mais, à côté de dessins et de lithographies aux sujets variés, ce qui nous frappe dans cette première partie se sont ses peintures monumentales. Parmi celles-ci, Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’enfer (1861 ; 315 x 450 cm) et surtout Le Christ quittant le prétoire (1874-1880 ; 482 x 722 cm) sont particulièrement impressionnantes, non seulement par leurs dimensions (et encore la seconde n’est qu’une réplique plus petite de l’original de Strasbourg qui mesure 600 x 900 cm), que par leurs sujets : l’horreur pour la première, un Christ calme et lumineux, au milieu d’une foule agitée, pour la seconde.
Après cette trentaine d’œuvres, nous voyons les quelque 130 œuvres de la seconde partie intitulée « De la caricature au paysage ». C’est dans celle-ci que sont exposés les livres luxueux, vendus à l’époque aussi chers que les tableaux impressionnistes, qu’il illustra en dessinant directement sur le bois. Une équipe de graveurs se chargeait ensuite, sous sa supervision, de mettre ces dessins en relief. Gustave Doré, très cultivé, s’est mesuré aux plus grands textes, que ce soient des classiques comme la Bible, Dante, Rabelais, la Fontaine, Perrault, Cervantès, Milton, Shakespeare, qu’il ne put terminer, fauché par une crise cardiaque, ou des contemporains comme Balzac, Poe, Tennyson ou Hugo, qui le remercia pour sa « traduction » des Travailleurs de la mer.
Parmi les peintures exposées dans cette seconde partie, celles sur la guerre de 1870, l’Année terrible, traduisent son enthousiasme patriotique (il s’engagea dans la garde nationale) puis son désespoir, surtout avec la perte de l’Alsace. En revanche, ses « paysages pittoresques et sublimes » nous montrent des vues de diverses régions, en particulier l’Ecosse et les Pyrénées, où il s’était rendu pour des randonnées ou de l’alpinisme. Celles-ci sont traitées de façon originale tant dans la composition que dans le choix des couleurs, comme s’est le cas pour la plupart de ses peintures.
Une dernière partie nous montre comment les dessins de Doré ont inspiré les cinéastes que ce soit pour des films bibliques ou fantastiques, pour des films de Méliès, Pabst, Welles ou de Terry Gilliam, Tim Burton, George Lucas, pour King Kong ou Harry Potter, la Belle et la Bête ou Le Seigneur des anneaux. Une exposition qui redonne enfin à Gustave Doré la place qu’il mérite. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 11 mai 2014.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-orsay.fr.


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