DESIGN CONTRE DESIGN
Deux siècles de création

Article publié dans la Lettre n° 275


DESIGN CONTRE DESIGN. Deux siècles de création. Les concepteurs de cette exposition ont fait des choix dans le foisonnement de ce que l'on appelle à tort ou à raison le « design ". Ici il ne s'agit pas « d'objets bien dessinés », ni « d'objets tendance » mais bien de « desseins », ce qui correspond à l'acception la plus générale du terme « design ». Le titre même de l'exposition explique qu'elle ne présente qu'un aspect du design parmi tous ceux que d'autres expositions montrent en ce moment (Biedermeier à Paris, Surreal Things à Londres, Rotterdam et enfin Bilbao) ou ont montré en leur temps (Musée National d'Art Moderne - 1960 ; Grand Palais - 1993 ; Schinkel - Allemagne -1981). Des choix ont donc été faits tenant compte entre autres de l'exiguïté des lieux pour de tels objets dont certains sont immenses. C'est ainsi que les objets techniques de l'électronique, du Spa et de la gastronomie n'ont pas été retenus.
Le parcours est organisé selon une présentation thématique qui apporte une grande clarté au sujet et montre bien l'évolution des styles au cours du temps. Compte tenu du foisonnement existant dans le design, une présentation chronologique sur deux siècles n'aurait apporté que confusion et complexité.
La première partie commence par une présentation formelle, bien qu'il n'y ait jamais de forme pure et que chaque forme induit une série d'images et de fantasmes. Les thèmes retenus sont la courbe, la droite, le biomorphisme, du difforme à l'informe, illustrés, à titre d'exemples, par : Buffet de Godwin (1863-1867) ; chaise MR 10 de van der Rohe (1927-1930) ; Spiral Chair de Henningsen (1932) ; armoire Hommage à Mondrian de Kuramata (1975) ; fauteuil Bel Air de Shire (1982) ; fauteuil Joseph de Windels (2000) ; chaise longue Bone chaise de Laarman (2006). Dans cette salle se trouve l'un des trois objets phare de cette exposition, le fameux banc Iceberg de Hadid (2003).
Viennent ensuite quelques objets « imaginaires » telle cette table Cinderella de Verhoeven (2005) et surtout le radiateur Heatwave de Laarman (2003) qui évoque un monde végétal, ou « primitifs » telle cette Chaise Barbare de Bonetti et Garouste (1981).
La deuxième partie est consacrée à l'environnement du design. Elle commence tout d'abord par les formes : le corps, l'animal, le végétal, le corps en morceaux. Parmi les nombreux objets exposés citons le bassin « à figures rustiques » de Bernard Palissy (1565) ; la bouilloire à bascule Courge de Mallet (1891) ; le Fauteuil Rose (XIXe) ; les chiffonniers anthropomorphes Homme et Femme de Groult (1921 et 1925) ; le Vase en forme de poule de Jouve (1960) ; le bar Chat polymorphe de Lalanne (1968) ; la chaise Woman de Jones (1969) ; le siège Homme de Francken (1971) ; la bibliothèque Amnésie de Branzi (1991) ; la table fleur avec tapis Ombre chinée de table marguerites de le Gall (2001) et le spectaculaire Womb house, utérus géant, conçu par Lieshout en 2004, avec lit, bar, évier, douche et toilettes, de quoi satisfaire tous les besoins !
Toujours sous le thème de l'environnement sont exposés, tout d'abord, des objets récupérés pour en faire un autre usage, tel ce fauteuil Hairy Chair de Kaisin (2005) en papier déchiqueté à la machine ou ce luminaire Tide Chandelier de Haygarth (1996) fait d'objets ramassés sur les plages, puis des objets évoquant l'architecture. On remarque ainsi dans cette section un buffet à deux corps du XVIe siècle, un meuble à tiroirs Pyramid Furniture de Kuramata (1968) et surtout le Phantasy Landscape de Panton (1970), sorte de refuge en matériaux doux.
Si pour William Morris, l'objet du design était d'introduire la beauté dans les foyers les plus modestes, il se rendit compte plus tard « qu'il avait passé sa vie à pourvoir au luxe dégoûtant des riches ». On « n'achète » pas tout dans une telle exposition mais force est de reconnaître que l'imagination débridée des créateurs aboutit quelquefois à des œuvres non seulement originales, mais aussi plaisantes et agréables. De cela on pourra encore discuter après la visite de cette remarquable exposition ! Grand Palais 8e. Jusqu'au 7 janvier 2008.
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