DE GIOTTO A CARAVAGE
Les passions de Roberto Longhi

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 384
du 15 juin 2015


 
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DE GIOTTO A CARAVAGE. Les passions de Roberto Longhi. Si le sous-titre de l'exposition, mentionnant un personnage quasiment inconnu, est écrit en petits caractères, c'est néanmoins grâce à lui que celle-ci a pu être organisée. Né à Alba, en Piémont, dans une famille originaire d'Emilie, Roberto Longhi (1889/1890 - 1970) est un historien de l'art et collectionneur qui a mis à l'honneur des peintres dont on imagine plus aujourd'hui qu'ils aient été oubliés. En 1911 il publie sa thèse sur Caravage, qui le fait remarquer.
A une époque où les chercheurs ne se rendaient qu'à Florence, Sienne et Venise pour étudier l'art italien, Roberto Longhi, homme du nord, se tourne vers la Lombardie de Caravage, la Ferrare de Cosmè Tura et l'Ombrie de Pierro della Francesca. Il met au point et enseigne une méthode centrée sur l'œil. Pour lui une œuvre se suffit à elle-même pour son attribution, la connaissance de son environnement, sa lecture stylistique. Il faut donc consacrer beaucoup de temps à l'observer.
Doué d'une mémoire visuelle prodigieuse, Longhi était capable de réattribuer des tableaux à leurs véritables auteurs sans études documentaires. Le conservateur du musée Jacquemart-André cite l'exemple de deux panneaux représentant un saint Laurent et un saint Jean l'Evangéliste achetés par Nélie Jacquemart et attribués alors à l'école florentine. Plus tard les historiens de l'art les attribuèrent à un maître siennois du XIVe siècle, Lippo Memmi. Mais en les voyant, Longhi les rapprocha d'autres panneaux d'un polyptique florentin dispersé dans le monde entier et les restitua à Giotto, laissant la critique pantoise mais convaincue.
S'intéressant autant à l'art de son temps qu'aux maîtres anciens, Longhi était capable d'établir des filiations entre peintres, par exemple entre Courbet et Caravage pour leur naturalisme ou encore entre Léonard de Vinci et Renoir. Il compare ces derniers dans un article facétieux intitulé « Les deux Lise » dans lequel la Lise de Renoir l'emporte sur Mona Lisa !
Longhi commence sa collection dès 1916, rassemblant des tableaux caravagesques, bon marché à l'époque. La fondation Roberto Longhi possède aujourd'hui quelque 256 œuvres, y compris celles de son ami Giorgio Morandi, dont il assura la promotion. Sur les 35 tableaux et dessins présentés ici, 24 proviennent de cette fondation. Nous pouvons donc admirer outre les deux Giotto (vers 1267-1337) déjà cités, le célèbre Garçon mordu par un lézard (1594) de Caravage (1571-1610), dont l'exécution donne l'impression d'un cri surgit brusquement, et deux autres tableaux de ce maître. Parmi les vingt-deux autres artistes représentés, citons Vitale da Bologna, Pietro da Rimini, Luca di Tommè pour le XIVe siècle, Masaccio, Colantinio, Piero della Francesca, Cosmè Tura, Francesco del Cossa pour le XVe siècle, Lorenzo Lotto, Dosso Dossi, Battista del Moro pour la première moitié du XVIe siècle, Morazzone, Bartolomeo Manfredi, Battistello, Orazio Borgianni, tous contemporains de Caravage, et Mattia Preti, Giovanni Lanfranco, Matthias Stomer et Jusepe de Ribera pour le XVIIe siècle. Une très belle sélection présentée dans une scénographie séduisante d'Hubert Le Gall, avec des panneaux très détaillés, des cartels bien lisibles et un livret détaillant chacun des tableaux. Musée Jacquemart-André 8e. Jusqu'au 20 juillet 2015. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.


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