« LUCAS CRANACH ET SON
TEMPS »
(The World of Lucas Cranach.
An artist in the Age of Dürer, Titian and Metsys)
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
319
du
6 décembre 2010
LUCAS CRANACH ET SON TEMPS - THE WORLD
OF LUCAS CRANACH. An artist in the Age of Dürer, Titian and Metsys.
Nous rendons compte de cette magnifique exposition car elle peut
être l'objet d'un week-end à Bruxelles, où l'on peut voir en ce
moment d'autres expositions très intéressantes (James Ensor, Wim
Delvoye) ainsi que, à Bruges, « De Van Eyck à Dürer ».
En outre, elle devrait être présentée dans quelques mois à Paris.
C'est aussi une exposition exceptionnelle car elle concerne le maître
incontesté de la Renaissance allemande et le peintre qui représenta
la réforme de Martin Luther.
Lucas Cranach l'Ancien est né à Kronach, en Franconie (Bavière),
en 1472. On ne connaît sa carrière artistique qu'à partir de 1500
environ. Il est alors actif à Vienne où il reste jusqu'en 1504.
De cette époque nous voyons son premier tableau religieux, une dramatique
Crucifixion (voir
les illustrations sur une autre page) et des portraits avec
des paysages à l'arrière plan, comme le faisaient les italiens et
les flamands, mais Cranach y associe intimement l'homme et la nature.
Cranach réalise également des gravures sur bois, domaine dans lequel,
comme son contemporain Albrecht Dürer, il excelle, là aussi.
En 1505, Frédéric le Sage, prince électeur de Saxe, l'un des plus
puissants de l'Empire, engage Cranach comme peintre de cour, à Wittenberg,
dont il veut faire un grand centre culturel. Cranach y restera près
de cinquante ans, restant le peintre officiel des successeurs du
prince et obtenant en 1508 des armoiries, un dragon ailé tenant
une bague dans sa gueule, qui lui servira désormais de marque d'atelier.
Son œuvre de cour est impressionnante (portraits, y compris avec
des saints, scènes de chasse et de tournoi). S'y ajoute un inventaire
de la collection de reliques du prince, la mise au point d'une nouvelle
technique d'impression des gravures sur bois, la commémoration au
moyen d'une médaille de la nomination du prince au rang de gouverneur
impérial (une première là aussi), etc. Au cours d'un voyage aux
Pays-Bas, en 1508, il découvre la peinture flamande et s'en inspirera
dans les architectures en arrière plan de ses œuvres religieuses.
Il n'est jamais allé en Italie mais a eu connaissance de l'art italien
de la Renaissance grâce aux œuvres importées en Allemagne et aux
Pays-Bas.
Si le parcours de l'exposition suit un ordre chronologique, confrontant
les œuvres de Cranach avec celles de ses contemporains, une exception
est faite pour les nus qui le rendirent si célèbre. Nous pouvons
comparer sa Vénus et Cupidon (1509) avec le panneau d'Eve
de Dürer (1507) dont il s'est inspiré. Toutefois Cranach apporte
une nouveauté, du moins de ce coté-ci des Alpes, en créant une figure
grandeur nature, prototype d'innombrables tableaux de nus que livrera
par la suite son atelier. Il y avait néanmoins un paradoxe entre
la séduction de ces tableaux et de leur sujet et les inscriptions
moralisatrices, en latin, inscrites dessus !
Les commissaires nous permettent de comparer le traitement d'un
même sujet par différents artistes, par exemple Lucrèce (1510-1513)
se donnant la mort ou bien La Mélancolie (Dürer
en 1514 et Cranach en 1532). Plus curieux on voit que la même tête
féminine est reprise par Cranach dans des compositions dont les
sujets n'ont aucun rapport entre eux, comme si elles étaient effectivement
interchangeables ! On admire la subtilité des drapés transparents
(Vénus et le voleur de miel, La nymphe de la source, La personnification
féminine de la Justice, etc.) et la variété des sujets, la plupart
inspirés par la mythologie.
Le parcours se termine avec l'époque de la Réforme. En 1517, Martin
Luther publie à Wittenberg ses thèses retentissantes sur les iniquités
de l'église catholique. Cranach, qui est un ami du théologien, est
ennuyé, car, en raison de la position critique de celui-ci à l'égard
des images, la demande de tableaux religieux diminue ! Il doit donc
se trouver une nouvelle clientèle sans pour autant perdre celle
des catholiques. Il trouve des images à caractère didactique, telle
que la représentation du Christ avec la femme adultère, qui plaisent
au public protestant. Il se lance également dans l'imprimerie et
publie à ses frais la traduction du Nouveau Testament par Luther
(le fameux Testament de septembre, 1522), qu'il illustre
de ses gravures.
En 1547 la Ligue protestante est vaincue. Cranach suit son maître,
retenu prisonnier par Charles Quint, à Augsbourg où il rencontre
le Titien, dont il peint un portrait, aujourd'hui perdu. A la libération
du prince, il le suit à Weimar où il décède l'année suivante, en
1552, à l'âge de 80 ans. Son fils Lucas dirigera l'atelier de Wittenberg
longtemps après la mort de son père, ce qui montre le sens de l'organisation
de ce dernier, capable de répondre en quelques mois à une commande
de plus de cent tableaux pour une église. Cette exposition, riche
d'une centaine de tableaux, dessins et gravures de Cranach, confrontés
à une cinquantaine d'œuvres d'autres artistes, vaut le voyage !
Palais des Beaux-Arts, Bruxelles. Jusqu'au 23 janvier 2011.
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: www.bozar.be.
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