CHAGALL, ENTRE GUERRE ET PAIX
Article
publié dans la Lettre n° 355
du
27 mai 2013
CHAGALL, ENTRE GUERRE ET PAIX. Né
en 1887 près de Vitebsk, en Russie, Marc Chagall a connu deux guerres,
l’exil et la mort de sa femme Bella, et a côtoyé les artistes les
plus novateurs de son époque. Néanmoins son art est resté très figuratif,
puisant son inspiration dans le judaïsme et la Russie de son enfance.
Si le thème de l’exposition semble limitatif, en fait nous avons
un aperçu très complet de l’art de Chagall à travers quelque 105
œuvres faisant appel à toutes sortes de techniques (huile, gouache,
dessin, lithographie, gravure). La scénographie de l’exposition,
très réussie, est originale avec ses méandres et permet de bien
distinguer les différentes sections du parcours.
D’emblée on commence par « La Russie en temps de guerre » et par
« Bella ». Chagall, qui était depuis trois ans à Paris retourne
en Russie en 1914. La guerre étant déclarée, il ne peut repartir
et y reste huit ans. Il épouse Bella en 1915. Des portraits qu’il
fait d’elle on voit Bella et Ida à la fenêtre (1915). Le
célèbre Les Amoureux en vert est peint à la même époque (1916-1917).
Vitebsk, aujourd’hui en Biélorussie, est une ville de garnison et
Chagall assiste aux mouvements de troupes et aux exodes de population
avant d’être mobilisé en 1915 à Saint-Pétersbourg. De cette période
on voit surtout des œuvres sur papier (crayon, encre, gouache),
d’une grande maîtrise, comme Le soldat blessé ou Couple
de paysans, départ pour la guerre, tous deux de 1914.
Vitebsk est un autre sujet récurrent qui l’inspirera même après
son départ. Les thèmes qu’il traite sont issus de la vie juive et
montre des personnages que l’on peut identifier comme juifs. C’est
évident avec L’Homme à la barbe (1911) ou La Thora sur
le dos (1933). Cela l’est aussi avec Au-dessus de Vitebsk
(1915-1920) où l’on voit un petit personnage volant au-dessus de
maisons couvertes de neige, illustration littérale du thème du juif
errant, « l’homme de l’air » en yiddish. Ces personnages flottant
au-dessus du paysage apparaîtront de manière constante dans toute
l’œuvre de Chagall.
La section suivante « L’entre-deux-guerres en France » nous présente,
sous forme de grandes gouaches, les travaux préparatoires de l’artiste,
chargé par Ambroise Vollard d’illustrer la Bible. S’il connaît bien
le sujet, Chagall ira néanmoins en Palestine, en 1931, pour comprendre
la terre mythique de ses ancêtres. A côté de cette recherche du
sacré, nous avons quelques tableaux illustrant le rêve. Chagall
crée des rencontres d’apparence incongrue telle Le Rêve (1927)
où un âne transporte une femme nue couchée sur son dos, avec le
sol à la place du ciel. Dans l’Homme-coq au-dessus de Vitebsk
(1925) il remplace le juif-errant par un personnage hybride.
Après cet épisode heureux en France, la présentation de trois de
ses toiles à Munich, en 1937, dans l’exposition « Art dégénéré »,
puis la guerre et les lois antijuives de Vichy, conduisent Chagall
à s’exiler avec sa famille à New-York. C’est le sujet de la troisième
section « L’exil aux Etats-Unis ». L’artiste sait ce qui se passe
en Europe. Sa peinture en rend compte avec des figures du Christ
crucifié, symbole de la souffrance humaine, des tonalités rouges,
des charrettes évoquant l’exode, comme dans la toile Obsession
(1943). Le deuil le frappe en 1944 avec la mort subite de Bella,
à qui il rendra hommage à travers de nombreux tableaux.
Ce n’est finalement qu’en 1949 que Chagall rentre définitivement
en France, à Orgeval d’abord puis à Vence où la lumière des paysages
méditerranéens l’inspire tout particulièrement. C’est l’objet de
la dernière section « L’après-guerre et le retour en France ». C’est
l’époque des œuvres monumentales, des grands cycles autour d’un
même sujet comme Paris et ses monuments ou, surtout, le message
biblique. Notons Le Nu rouge (1955), Monde rouge et noir
(1951), La Danse (1950-1952) ou encore La Vie (1964),
qui tous évoquent la joie de vivre et la sérénité retrouvée. Une
très belle exposition, remarquablement présentée. Musée du Luxembourg
6e. Jusqu’au 21 juillet 2013.
Pour
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Lien : www.museeduluxembourg.fr.
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