CAMILLE
CLAUDEL,
une femme, une artiste
Article
publié dans la Lettre n° 285
CAMILLE CLAUDEL, une femme, une artiste.
Avec plus de 80 sculptures en marbre, terre cuite, plâtre, onyx
et bronze, une dizaine de gravures et divers documents, c’est la
plus importante rétrospective consacrée à l’œuvre de cette artiste,
qui ne reçut aucune commande publique malgré un talent déjà reconnu
de son vivant.
Née en 1864 elle entre comme élève dans l’atelier de Rodin en 1884
après être passée dans celui d’Alfred Boucher. L’exposition illustre
ses débuts chez Rodin par des portraits et des sculptures de la
jeune femme réalisés par le maître (Camille Claudel au bonnet, Le
Masque). Dans ses tout débuts, l’artiste s’exerce dans son entourage
immédiat (Paul Claudel enfant, 1885 ; buste de Louise
Claudel, 1886). Toute son œuvre témoigne d’un intérêt exclusif
pour l’être humain, sa vie, son destin, la vieillesse.
Dans l’atelier de Rodin, avec lequel elle entretient des relations
houleuses, elle travaille intensément. Rodin lui confie la réalisation
de mains et de pieds pour lesquels elle est particulièrement douée.
Simultanément elle répond à ses premières commandes privées. La
représentation des corps et l’expression des visages constituent
alors l’essentiel du travail de Camille Claudel. De cette période,
qui s’achève en 1892, l’on voit en particulier La Jeune fille
à la gerbe, 1886, à rapprocher de la Galatée de Rodin,
et un magnifique Buste d’Auguste Rodin, 1892.
L’exposition se poursuit par la première grande œuvre de l’artiste,
Sakountala, 1886-1905, inspirée par la mythologie indienne
et qui raconte les amours contrariées d’un prince et d’une simple
jeune fille. Dans sa réalisation en marbre, le titre devient Vertumne
et Pomone en référence à Ovide. Il faut noter que l’artiste
taillait et polissait elle-même ses marbres ainsi que tous les autres
matériaux, dont l’onyx.
Le départ de l’atelier de Rodin et la rupture amoureuse avec le
sculpteur ouvrent une période d’intense créativité pour Camille
Claudel. En témoigne La Valse, un couple nu, présentée au
salon en 1893, dans une version légèrement drapée afin de contourner
la censure. Ou encore les merveilleux portraits d’enfants comme
La Petite Châtelaine dont on voit plusieurs variations. A
l’autre extrémité, nous avons les représentations, sous les traits
d’une vieille femme décharnée, de Clotho, 1893, une des trois
Parques qui régissaient le destin des hommes.
Vient ensuite l’œuvre majeure de Camille Claudel, « un groupe de
trois », L’Âge mûr, 1893-1900, dans ses deux versions, avec
tous les travaux préparatoires et en particulier L’Implorante,
qui est la représentation symbolique du destin où l’homme vieillissant
est irrémédiablement arraché à l’amour, la jeunesse et la vie. Bien
plus tard on a voulu y voir Rodin se détachant de Camille pour rester
avec Rose Beuret, sa compagne de toujours ! L’œuvre marque la reconnaissance
officielle de l’artiste mais l’Etat ne l’achètera pas. A coté de
ces œuvres monumentales, l’artiste a réalisé ce qu’elle appelait
« De petites choses nouvelles ». Plusieurs d’entre elles sont présentées
dans leurs différentes versions. Les Causeuses, 1893-1905,
inspirée d’une scène de bavardage dans un train et surtout La
Vague ou Les Baigneuses, inspiré de La Grande vague
d’Hokusai (actuellement exposée au Musée Guimet), dont la version
en onyx et en bronze est impressionnante.
Parmi ses dernières œuvres nous voyons Persée et Gorgone,
Paul Claudel à 37 ans et une magnifique Niobide blessée.
Son activité sculpturale s’interrompt vers 1905. Alors que les commandes
publiques étaient à son époque la forme habituelle de subvention
de l’art, elle n’en reçoit aucune. Camille Claudel comme certains
de ses biographes y voit l’influence de Rodin. Parmi les documents
exposés, une lettre dans laquelle elle remercie un journaliste d’accepter
de venir visiter son atelier, ce qui permettra de la faire connaître
lui dit-elle, est particulièrement émouvante. Elle a heureusement
quelques mécènes dont la comtesse de Maigret et Mathias Morhardt,
son biographe. En 1913, à la demande de son frère Paul et de sa
mère, elle est internée à l’asile de Ville-Evrard puis, en 1914,
à cause de la guerre, à l’Asile public d’aliénés de Montdevergues
(Vaucluse) où elle mourra, 30 ans plus tard, en 1943. Une exposition
unique et belle, à ne pas manquer. Musée Rodin 7e. Jusqu’au
20 juillet 2008. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.musee-rodin.fr.
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