LES BORGIA ET LEUR TEMPS

Article publié dans la Lettre n° 377
le 19 janvier 2015

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LES BORGIA ET LEUR TEMPS. Sous ce titre accrocheur voici une exposition qui nous montre le début de l’art de la Renaissance en Italie, dans la deuxième moitié du Quattrocento, porté par le mécénat d’une multitude de cours et cités. Les Borgia en font partie. Le premier est Rodrigo Borgia (1431-1503), neveu du catalan Alfonso de Borja (1378-1458), pape sous le nom de Calixte III, qui intrigue pour se faire élire pape à son tour sous le nom d’Alexandre VI. En se référant à Alexandre III, pape qui avait tenu tête à l’empereur Frédéric Barberousse, et à Alexandre le Grand, il affirme par là son goût du pouvoir et des conquêtes. Si jusqu’alors les rivalités ne s’étaient traduites que par des guerres, une dimension artistique s’ajoute à celles-ci. Chacun cherche à attirer les meilleurs artistes et architectes pour impressionner ses rivaux et asseoir sa renommée. C’est ainsi qu’Alexandre VI fait venir à Rome des peintres florentins et ombriens pour décorer la chapelle Sixtine, qu’il vient de faire construire. C’est aussi sous son pontificat que sont décorés ses appartements, par Pinturicchio, d’une manière qui n’a rien de sobre ou de religieux.
Comme d’autres papes avant lui, Alexandre III a de nombreuses maîtresses. L’une d’elle lui donne quatre enfants, Jean, César, Lucrèce et Geoffroi Borgia, qu’il reconnait. Alors qu’il est destiné à une carrière ecclésiastique, César (1475-1507), archevêque de Valence et cardinal, préfère les plaisirs et l’action et se taille un duché, le Valentinois, sur les marges des Etats pontificaux. Comme son père, c’est un homme sans scrupules (il aurait fait assassiner son frère Jean et le deuxième époux de sa sœur) mais éclairé. Il protège Copernic et fait de Léonard de Vinci son « conseiller des armes, des fortifications et des ouvrages hydrauliques ». Machiavel, qui l’a rencontré à plusieurs reprises, s’inspire de César pour rédiger Le Prince.
Lucrèce (1480-1519), quant à elle, n’est pas le monstre décrit par Victor Hugo et les auteurs romantiques. C’est une femme cultivée qui subit les décisions de son père et de son frère César. Après deux mariages, elle épouse Alphonse d’Este, futur duc de Ferrare, dont elle a sept enfants. Elle fait venir à sa cour des humanistes célèbres, tels que l’Arioste et Erasme et commande des œuvres au Titien. Après une première salle où sont exposés des portraits des principaux personnages de cette famille dont le dernier membre, François Borgia (1510-1572), général de la Compagnie de Jésus, est canonisé en 1671, nous voyons des objets, des armes, des documents et des tableaux de cette époque. Parmi ceux-ci, les Portraits de Luther et de sa femme, par Lucas Cranach l’Ancien, et le Supplice de Savonarole sur la Piazza della Signoria témoignent des dissensions religieuses de l’époque. Une Pietà en terre cuite, attribuée à Michel-Ange, clôt la partie historique de l’exposition.
Vient ensuite ce que les commissaires ont intitulé la « Borgiamania ». Nous y voyons les affiches des nombreux films que cette famille, surtout Lucrèce, a inspirés, les costumes de la série tournée pour Canal+, des planches des albums Borgia de Milo Manara et un curieux Reliquaire des cheveux de Lucrèce Borgia, réalisé en 1928. Malgré son aspect décousu, cette exposition nous permet d’avoir un autre regard sur cette famille et de voir quelques œuvres très intéressantes. Musée Maillol 7e. Jusqu’au 15 février 2015. Lien : www.museemaillol.com.


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