BONAPARTE ET L'EGYPTE
Feu et Lumières

Article publié dans la Lettre n° 293


BONAPARTE ET L’EGYPTE. Feu et Lumières. Des milliers d’ouvrages ont traité de la campagne d’Egypte, menée par le jeune général Bonaparte, qui voulait s’éloigner du « panier de crabes » parisien et couper la route de l’orient aux anglais, qui eut un impact considérable tant en Egypte qu’en Europe. En revanche jusqu’à cette exposition, et plus précisément au catalogue établi à cette occasion avec la contribution d’une trentaine des meilleurs spécialistes français et égyptiens, il était difficile de faire la part des choses entre le mythe de Napoléon et le mythe de l’Egypte pharaonique. Avec cette exposition, les choses sont indéniablement plus claires.
Parti le 19 mai 1798 de plusieurs ports européens (Toulon, Rome …) avec 360 bateaux, 54.000 hommes et 160 savants, généralement les meilleurs de leurs disciplines, avec tout le matériel scientifique nécessaire, y compris une presse à imprimer et des caractères orientaux confisqués au Vatican (!), Bonaparte commence par s’emparer de Malte et mettre en place, en moins de dix jours, une administration calquée sur le modèle français.
Echappant à la flotte de Nelson qui le cherche en Méditerranée, il informe les troupes et les savants de leur destination le 22 juin seulement, ce qui montre la confiance qu’il inspirait à ces derniers qui avaient accepté de le suivre sans savoir où il allait !
Le 1er juillet l’armée débarque à Alexandrie et le 21 du même mois, elle remporte sur les mamelouks la fameuse Bataille des Pyramides. La conquête de l’Egypte est rapide. Bonaparte met en place une administration analogue, là aussi, à celle de la France. Pour amadouer les égyptiens, il déclare qu’il va se convertir à l’Islam. Il lance deux périodiques en français et en arabe dont La Décade égyptienne qui rend compte des travaux de l’Institut d’Egypte, émanation de la commission des sciences et des arts. En effet, les savants venus avec lui font un travail impressionnant dans tous les domaines, non seulement en archéologie mais même en chimie (thèse de Claude Berthollet sur l’idée d’équilibre chimique).
Sur le plan militaire tout ne va pas très bien. Nelson détruit la flotte française à Aboukir le 1er août 1798. Bonaparte doit réprimer durement (profanation de la mosquée al-Azhar par ses soldats) une révolte au Caire. Son expédition en Syrie se termine par l’abandon du siège de Saint-Jean d’Acre après le massacre de 2000 prisonniers. Lui-même repart en France le 23 août 1799 après la victoire d’Aboukir contre les turcs (l’Egypte est sous la domination de la Sublime Porte), laissant le commandement de l’armée à Kléber, qui sera assassiné dix mois plus tard. Les anglais débarqueront le 8 mars 1801, obtiendront la capitulation des troupes françaises qu’ils rapatrieront en France fin 1801. L’occupation française a duré trente huit mois et s’est terminée par une défaite.
En revanche, en dehors du domaine militaire, cette expédition est un succès considérable. Tout d’abord elle a transformé profondément la vie en Egypte. En 1804 Muhamed Ali, parti des Balkans, s’empare de l’Egypte et y fonde une dynastie qui règnera jusqu’en 1952. Lui et ses successeurs s’attacheront à transformer ce pays à l’image de ce qui se fait en Europe, en faisant appel à des français, tels que Joseph Sève pour l’armée, Antoine Clot, devenu Clot Bey, pour la médecine, les saint-simoniens et leurs idées de barrage sur le Nil et de percement de l’isthme de Suez, bien trop en avance à leur époque (1833), Mariette qui obtient l’interdiction d’exportation d’aucun « débris » d’antiquités égyptiennes, etc. jusqu’au percement du canal de Suez grâce à Ferdinand de Lesseps (1867). Jusqu’à nos jours, les relations entre la France et l’Egypte ont été particulières, les enfants de la bonne société étudiant, en langue française, dans les écoles créées dans tout le pays. Mais c’est sûrement l’ouvrage unique et monumental lancé par Bonaparte, alors Premier consul, en 1802, qui aura le plus grand retentissement jusqu’à nos jours. Cette « Description de l’Egypte », publiée en vingt volumes de 1809 à 1829, avec des planches allant jusqu’à un mètre de long, d’où la création d’une presse spéciale pour les imprimer, avec un meuble de rangement spécialement conçu pour elle (nous pouvons en voir un exemplaire), avec ses trois parties, Antiquités, Histoire naturelle, Etat moderne, permit entre autres le passage de l’égyptomanie du XVIIIe siècle à l’égyptologie du XIXe et à François Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes. Les anglais avaient confisqué aux savants français la Pierre de Rosette, qu’ils avaient découverte, mais ceux-ci en avaient heureusement une empreinte. Une exposition originale et passionnante, avec près de 400 objets exposés. Institut du monde arabe 5e. Jusqu’au 29 mars (puis à Arras du 16 mai au 19 octobre 2009). Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.imarabe.org/temp/expo.


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