BOHEMES.
De Léonard de Vinci à Picasso

Article publié dans la Lettre n° 345
du 29 octobre 2012


BOHEMES. De Léonard de Vinci à Picasso. Ceux que l’on a appelé tour à tour égyptiens, puis gitans, manouches, bohémiens et aujourd’hui roms, sont apparus en Occident au XVe siècle, en Italie d’abord, puis en France, en Espagne et dans toute l’Europe. Très vite ils ont fasciné leurs contemporains par leur absence d’attaches et de patrimoine, par leur liberté de mouvements, par leur langue incompréhensible, par leur prétendue capacité à lire l’avenir, etc. Très vite aussi on en a fait des gens vivant de vols et de rapine comme le montre vers 1493 un dessin de Leonard de Vinci, Un homme trompé par des Tsiganes. Mais, à l’époque romantique, des jeunes gens désireux de prouver leur talent dans la vie artistique, délaissent les codes de la bourgeoisie et de l’Académie et vivent plus ou moins en tribu, de façon marginale, s’inspirant de ce peuple libre et nomade. Très vite ils sont qualifiés de « bohémiens » et leur mode de vie de « bohème ».
Cette exposition, magistralement mise en scène par le grand scénographe d’opéras et de théâtre Robert Carsen, nous convie à la compréhension de ces différentes formes de bohème. La première partie, qui s’étend sur plus de quatre siècles, de la fin du quinzième jusqu’au début du vingtième, nous montre à travers une centaine d’œuvres, la vie de ces bohémiens, parcourant les routes d’Europe dans leurs roulottes, et leurs relations compliquées avec les habitants. A côté de tableaux célèbres comme La Diseuse de bonne aventure de Georges de la Tour (1630), on peut voir des toiles, gravures ou dessins de Nicolas Régnier, Boucher, Watteau, Hals (La Bohémienne, 1630), Jacques Callot, Gainsborough, Corot, Courbet (La Bohémienne et ses enfants, 1853), Manet, Renoir, Bonnard, Van Gogh. etc. Cette abondance montre combien ce sujet a inspiré, au cours des siècles, non seulement les peintres mais aussi les écrivains (Victor Hugo, Notre Dame de Paris), les musiciens (Bizet, Carmen) et les photographes (Nadar).
La deuxième partie se veut résolument descriptive avec l’évocation très réaliste d’un atelier d’artiste ou d’un café de Montmartre. Il s’agit de nous montrer ces fameuses Scènes de la vie de bohème d’Henry Murger, qui après avoir enchanté le théâtre à partir de 1849, feront les délices de l’opéra avec La Bohème de Puccini, en 1896, et consacreront le nouveau sens de bohème. Pour Sylvain Amic, commissaire de cette exposition, « La bohème devient un passage obligé dans la vie d’artiste et reste associée définitivement à cet état transitoire des débuts, ce moment où le génie se forme dans les conditions du dénuement qui finalement garantissent son autonomie ».
Une centaine d’œuvres, là aussi, illustrent cette nouvelle bohème. A côté de portraits et de manuscrits rares de Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, nous voyons des toiles de Delacroix, Géricault, Courbet, des lithographies de Daumier, des gravures de Gill et de Régamey. Le fameux tableau de Van Gogh, Chaussures (1886), serait un écho au poème de Rimbaud, Ma Bohème. Nous pouvons voir aussi des affiches et des enseignes comme celles de la Tournée du Chat Noir (1896) ou celle du cabaret Au Lapin Agile, toujours en activité aujourd’hui. L’exposition se termine en regroupant les deux bohèmes dans une note tragique, l’exposition de l’art dégénéré à Munich, en 1937, et l’extermination des roms par les nazis - on parle de 600.000 morts - à partir de cette même année. Comme on le voit, à travers des œuvres artistiques de tout premier plan, cette exposition spectaculaire nous aide à mieux comprendre ce peuple nomade et les artistes qu’il inspira. Grand Palais 8e. Jusqu’au 14 janvier 2013. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.rmn.fr.


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