BILL VIOLA
Article
publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre
n° 369
du
26 mai 2014
BILL VIOLA. Nous voyons de plus en
plus souvent des vidéos dans des expositions d'art moderne, mais
c'est la première fois que ce media arrive en force dans une grande
exposition à Paris. Disons-le tout de suite, nous sommes conquis,
car Bill Viola est certainement l'artiste le plus créatif et le
plus talentueux dans cet art et ses œuvres sont souvent spectaculaires.
Il est né à New York en 1951 en même temps que la vidéo, qu'il découvre
vingt ans après. En 1972 il crée ses premières bandes vidéo, dont
Tape I. Très vite, il se met à voyager dans le monde entier.
Les îles, les déserts, des pays comme l'Inde, le Japon, Java, Bali,
l'Australie le fascinent et ont une profonde influence sur ses œuvres.
Il y enregistre de la musique traditionnelle qu'il utilise ensuite.
C'est à Melbourne qu'il rencontre, en 1977, Kira Perov qui deviendra
sa femme et sa principale collaboratrice. En 2005, il aura une audience
privée avec le dalaï-lama. Tout cela a une profonde influence sur
son œuvre. L'eau, le feu, l'interrogation sur l'au-delà se retrouvent
dans la plupart de ses vidéos, surtout les plus récentes.
La présente exposition, avec 20 œuvres allant de 1977 à 2013, est
une véritable rétrospective. Elle nous permet de voir l'évolution
de cet artiste qui manie l'image et le son avec une dextérité sans
pareille. Les procédés utilisés sont très différents d'une œuvre
à l'autre, au fur et à mesure des avancées techniques dont Bill
Viola sait tirer le meilleur parti. Quel rapport entre The Reflecting
Pool (1977-1979), la vidéo la plus ancienne présentée ici, avec
une projection sur un écran placé au milieu de la salle, que l'on
peut regarder de part et d'autre, et Going Forth Day (2002),
son œuvre la plus ambitieuse à ce jour, qui nécessita 125 techniciens
et 200 figurants, où nous avons cinq projections simultanées de
35 minutes chacune, sans lien apparent entre elles, sur les murs
nus d'une grande pièce (19,50 m x 8,15 m x 5,20 m) ? Si, dans ce
dernier cas, Bill Viola se réfère aux fresques de Giotto dans la
basilique Saint-François d'Assise, son travail s'apparente plutôt
à celui d'un sculpteur, mais un sculpteur de temps. Il joue de cela
avec des scènes plus ou moins longues, parfois artificiellement
étirées jusqu'à atteindre une journée (!), ou apparaissant seulement
une fraction de seconde, comme dans l'installation The Sleep
of Reason (1988).
L'ensemble des œuvres présentées représente plus de cinq heures
de projection, sans tenir compte des projections simultanées sur
plusieurs écrans comme Going Forth Day, déjà citée, Catherine's
Room (2001) ou encore The Dreamers (2013). Dans cette
dernière œuvre, nous avons dans la même pièce sept écrans plasma,
fixés à la verticale, sur lesquels nous voyons des « Water
Portraits » avec des acteurs immergés dans un réservoir en
Plexiglas rempli d'eau.
L'eau est omniprésente dans les œuvres de Bill Viola. Certaines
sont spectaculaires comme celle qu'il créa pour la mise en scène
de Tristan und Isolde en 2005 à l'Opéra Bastille, où Tristan,
couché sur un socle, finit par s'élever dans le ciel sous un véritable
déluge. C'est aussi le cas dans une des cinq parties de Going
Forth Day intitulée The Deluge, où des torrents d'eau
jaillissent à la fin de la tranquille maison que l'on voyait au
début. Même chose avec The Reflecting Pool, déjà cité, et
Ascension (2000). Il en est de même du feu. Il est présent
une fois de plus dans Going Forth Day, dans la séquence Fire
Birth, et surtout dans Fire Woman (2005), une vidéo avec
un grand écran vertical, comme celui de Tristan, projeté à côté.
Dans un autre registre, nous pouvons citer les déserts que l'on
voit ici dans trois vidéos, mais aussi les gens, dans des scènes
isolées, comme Catherine's Room (2001), ou de groupes comme
The Quintet of the Astonished (2000) ou Three Women
(2008) ou encore l'étrange Man Searching for Immortality / Woman
Searching for Eternity (2013) où l'on voit, sur deux écrans
juxtaposés, un couple de vieillards, nus. Vraiment un enchantement,
difficile à faire partager avec de simples photographies. Grand
Palais 8e. Jusqu'au 21 juillet 2014. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici.
Lien : www.rmn.fr.
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