« BEAUTE ANIMALE
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Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
342
du
11 juin 2012
BEAUTE ANIMALE. Pour cette exposition
pas comme les autres, la commissaire, Emmanuelle Héran, a choisi
des œuvres d'art représentant des animaux pour eux-mêmes, sans présence
humaine, réalisées en Europe, par les plus grands artistes, à partir
de la Renaissance. C'est ainsi que l'on peut admirer un grand tableau
de Goya, Combat de chats (1786-1787), une Chauve-souris
peinte par Van Gogh, vers 1885-1886, à partir d'un exemplaire naturalisé,
un Eléphant dessiné par Rembrandt en 1637, une Tête de
cheval blanc de Géricault peinte avant 1816, Le Chat blanc
de Bonnard (1894) et, plus près de nous, le célèbre Ours
blanc de Pompon (vers 1928-1929) et un curieux Caniche
de Jeff Koons (1991).
Le parcours de l'exposition se déroule en trois sections illustrées
par quelque 120 œuvres (peintures, dessins, sculptures, photographies),
célèbres ou insolites. La première section est consacrée aux observations.
Elles commencent au XVIe siècle avec Dürer qui rend compte de la
beauté d'un mammifère ou d'un oiseau. Grâce aux progrès de l'imprimerie
et de la gravure, les traités de zoologie illustrés voient le jour.
Les auteurs multiplient les observations et les études d'après nature.
La découverte du Nouveau Monde, riche en espèces inconnues, a pour
conséquence un souci accru de précision dans les descriptions. Les
progrès de l'anatomie animale à la fin du XVIIIe siècle, l'étude
des mouvements par le français Marey et l'américain Muybridge, précurseurs
du cinéma, qui décomposent l'allure d'un cheval, le vol d'un oiseau
ou la chute d'un chat, ce qui subjugue le public, modifient la manière
dont certains artistes représentent les animaux. Enfin, les répertoires
anciens de modèles que l'on a conservés montrent comment des artistes,
tels Brueghel de Velours ou Rubens, procédaient pour réaliser des
compositions intégrant des animaux, comme dans le thème biblique
de l'Arche de Noé.
La deuxième section traite des préjugés et Dieu sait s'ils sont
nombreux au sujet des animaux. Pour Buffon, dont l'Histoire naturelle
est un des monuments de la zoologie, le cheval est le plus noble
des animaux, le chat est un animal domestique infidèle que l'on
ne garde que par nécessité, le paon est le roi des oiseaux ! Autant
de jugements bien peu scientifiques ! Alors que le chat avait mauvaise
réputation et fut longtemps considéré comme l'incarnation du démon,
le chien, surtout le chien de chasse, est portraituré par les artistes,
dès la Renaissance, comme dans ce magnifique tableau de Jacopo Bassano,
Deux chiens de chasse attachés à une souche (1548-1549).
A coté des valeurs morales que l'on attache aux animaux, il existe
aussi des valeurs esthétiques. Certains animaux, comme la chauve-souris,
le crapaud, l'araignée, sont exclus du champ de l'art. Il faut attendre
notre époque pour que des artistes leur rendent hommage : la chauve-souris
avec César, le crapaud avec Picasso, l'araignée avec Louise Bourgeois.
Le cas du singe est le plus symbolique, surtout quand les premiers
orangs-outans, l'une des trois espèces de grands singes, arrivent
en Europe. Leur ressemblance avec l'homme, conjuguée aux études
de Darwin, qui affirme que l'homme et le singe sont des cousins,
leur donne droit à de véritables portraits.
La troisième section est consacrée aux découvertes. Si les romains
connaissaient bien les grands félins, les éléphants et d'autres
animaux d'Afrique, en revanche, à la Renaissance, il n'en était
pas ainsi. Les ménageries étaient très rares, privées et réservées
à une élite fortunée, comme le pape ou certains rois, qui la faisaient
visiter à quelques privilégiés. La plus belle fut celle de Louis
XIV à Versailles, construite par Louis le Vau. Des peintres ont
fait les portraits de tous ses pensionnaires. C'est elle qui sera
à l'origine de la ménagerie du Jardin des plantes.
Certains animaux ont connu la célébrité, comme Clara, un rhinocéros
femelle de Ceylan, qui a fait le tour de l'Europe entre 1741 et
1758 et dont Pietro Longhi a fait le portrait en 1751 ou Hansken,
un éléphant femelle d'Asie, dont Rembrandt a fait deux dessins en
1637. Mais l'animal exotique le plus célèbre est Zarafa, une girafe
offerte à Charles X par le vice-roi d'Egypte en 1826. En effet pour
la transporter de Marseille à Saint-Cloud, on décida de la faire
marcher par petites étapes. Son périple déplaça des foules considérables,
achetant les produits dérivés (!), tandis que 600 000 visiteurs
vinrent la voir au Jardin des plantes dès la première année. Elle
mourut en 1845. Naturalisée, elle se trouve aujourd'hui au Muséum
de la Rochelle. Une exposition originale et variée qui mérite d'être
vue. Grand Palais 8e. Jusqu'au 16 juillet 2012. Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.rmn.fr.
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