BASQUIAT
Article
publié dans la Lettre n° 320
du
27 décembre 2010
BASQUIAT. Cette magnifique rétrospective
de l’œuvre de Jean-Michel Basquiat nous permet de mieux cerner la
complexité de cet artiste hors du commun dont le mythe ne s’est
pas construit exclusivement sur ce mélange désormais classique de
révolte, de sexe et de drogue. L’enfance et l’adolescence de ce
peintre nous aident à comprendre son œuvre. Il est né le 22 décembre
1960 à Brooklyn, New-York, d’un père haïtien et d’une mère d’origine
portoricaine appartenant à la moyenne bourgeoisie. Il manifeste
un goût précoce pour le dessin et visite avec sa mère les grands
musées de New York.
Dès l’âge de sept ans, à l’école primaire, il découvre les littératures
espagnoles, françaises et anglaises qu’il lit avec avidité. A la
suite de la séparation de ses parents il vit chez son père avec
ses deux sœurs. En 1974, pour des raisons professionnelles, son
père s’installe à Porto Rico avec ses enfants. Deux ans plus tard
Basquiat revient à Brooklyn où il fréquente le lycée City-As-School,
établissement alternatif pour élèves doués, où il fait la connaissance
de Al Diaz. Les deux lycéens commencent à peindre ensemble à la
bombe aérosol et à tagger les murs. Ils signent leurs graffitis,
souvent critiques, sous le nom de SAMO@ (Same Old Shit). Basquiat
est exclu du lycée un an avant son diplôme.
En juin 1978 il quitte le foyer familial et vend des cartes postales
et des tee-shirts peints à la main pour se faire de l’argent. Il
fréquente les milieux branchés et le 11 décembre 1978, The Village
Voice consacre un article aux textes signés SAMO@ qui suscitent
un intérêt considérable. L’année suivante la collaboration de Basquiat
et de Diaz prend fin et la phrase « SAMO@ IS DEAD » apparaît sur
les murs de Soho. Basquiat participe à la fondation d’un groupe
de musique bruitiste et est invité dans des émissions de télévision
tandis que l’artiste et cinéaste Diego Cortez devient son marchand
et l’introduit sur la scène de l’East Village. C’est à partir de
cette époque que l’exposition commence car aucun graffiti de Basquiat
n’a été conservé.
Les commissaires ont réussi à obtenir des musées et collectionneurs
américains et européens une centaine de toiles et une cinquantaine
de dessins et objets. L’ensemble est étourdissant tant les thèmes,
les supports et les textes sont variés. On note que Basquiat est
un « grand écrivain » car ses tableaux fourmillent de textes jusqu’à
n’être constitués parfois que de cela (Discography Two, 1983).
Les supports sont parfois excentriques : palettes (St Joe Louis
Surrounded by snakes, 1981), portes et morceaux de bois de récupération
(To Repel Ghosts, 1986), toile de jute (One Million Yen,
1982), etc. Ces peintures sont donc aussi, parfois, des objets et
Basquiat nous rappelle qu’un graffiti peut s’inscrire sur toute
surface libre.
Les sources d’inspiration de cet artiste autodidacte semblent innombrables
et vont du Gray’s Anatomy, le livre que sa mère lui avait offert
lors de son ablation de la rate (il avait été renversé à l’âge de
huit ans par une voiture) au jazz et à la boxe en passant par les
carnets de Leonard de Vinci, l’art égyptien, Matisse, Picasso, les
guides de voyages, les programmes de télévision, la bande dessinée,
les dessins animés, etc. La variété des formes est elle aussi d’une
grande richesse.
L’exposition évoque bien sûr sa collaboration avec Andy Warhol (Felix
the Cat) et Francesco Clemente en 1984 et 1985, l’une des rares
expériences de peinture collective réussie, ayant donné lieu à plusieurs
expositions. La mort d’Andy Warhol des suites d’une opération de
la vésicule biliaire en 1987 l’affectera beaucoup. L’année suivante,
le 12 août 1988, il décédera des suites d’une overdose. Il avait
vingt-huit ans et aurait eu cinquante ans aujourd’hui. Cette exposition
est donc aussi un hommage très réussi à cet artiste qui passa comme
une comète dans l’univers artistique contemporain. Musée d’Art
moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 30 janvier 2011.
Pour
voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien
: www.mam.paris.fr.
Retour
à l'index des expositions
Page
d'accueil de « Spectacles Sélection »
|