ARTEMIS
L'atelier des Cyclades

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 356
du 17 juin 2013


ARTEMIS. L'atelier des Cyclades. Née à Saint-Germain en Laye, mariée à un artiste du Liechtenstein qui lui a permis d'acquérir cette seconde nationalité et de découvrir son métier, Anne Demanet, dite Artémis, tombe sous le charme de Tinos en 1981. Il s'agit d'une petite île des Cyclades (Délos, Mykonos, …) peu fréquentée par les touristes, demeure d'Éole, le dieu du vent, dans la mythologie. En 1993, Artémis s'y fait construire une maison-atelier, face à la mer Égée. Dès lors elle se partage entre son atelier de Vaduz (Liechtenstein) et celui de Tinos (Grèce). Artémis est une autodidacte. Elle a appris la technique de la tapisserie à la fin des années soixante en regardant travailler, dans l'atelier de son mari, un artiste autrichien, Edwin Dattendorfer. À partir de cette époque elle réalise diverses ébauches de collages pour de futures tapisseries. Ce seront les cinq tapisseries du Cantique des cantiques (école de musique de Vaduz) qui seront suivies par d'autres cycles (La Création, L'Homme) et par des œuvres isolées (La bête à sept têtes, Délos, Artémis, Apollon, etc.), répondant à des commandes pour des mairies, des banques, des écoles et des collections privées.
De 1992 à 2000 elle tisse, sur un cadre de haute lice (tapisserie verticale), les douze tapisseries de L'Odyssée. Pour réaliser ces œuvres de grandes tailles (dans les 2,50 mètres de haut), elle s'inspire simultanément du récit d'Homère sur le retour d'Ulysse et du roman éponyme de Nikos Kazantzakis (1883-1957), un écrivain grec qui inspira des films comme Zorba le Grec ou La dernière tentation du Christ. Dans son Odyssée, Kazantzakis imagine qu'Ulysse, revenu sur son île d'Ithaque, décide d'en repartir à jamais, vivant alors de nouvelles aventures. Ces tapisseries sont nommées : Télémaque, Nausicaa, Le Cyclope, Calypso, Circé, les Sirènes, etc. ce qui aide à comprendre leurs motifs. En effet si le travail d'Artémis n'est pas abstrait, il n'est pas non plus figuratif et il faut du temps et de l'imagination pour interpréter ce qui, de prime abord, ressemble plus à un enchevêtrement de formes de toutes sortes, aux couleurs vives et chaudes, qu'aux aventures d'Ulysse. C'est tout les paysages de Tinos que l'on retrouve dans ces tapisseries. De près, nous pouvons admirer le travail tout en finesse d'Artémis qui, sur une chaîne en laine, mélange laine, coton, viscose et lin pour la trame, obtenant ainsi des effets brillants ou mats.
Présentée une première fois à Angers en 2000, L'Odyssée a fait le tour du monde jusqu'à ce qu'Artémis en fasse don, en 2010, au Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine, évitant ainsi de disperser les douze panneaux de cette immense tenture. Entre temps, le musée lui a commandé une nouvelle version des Sirènes, Le chant des sirènes, achetée en 2001, tandis qu'Artémis se lançait dans une nouvelle tenture monumentale, La Grande Licorne (2001-2011) exposée aujourd'hui à côté de L'Odyssée.
Cette tenture, composée de dix tapisseries, lui a été inspirée par un rêve, qu'Artémis raconte ainsi : « Elle était blanche, de la grandeur d'un cheval dont elle se distinguait par sa corne pointée vers le ciel […] La licorne est venue à moi, librement, par sa propre volonté, me féconder de sa lumière et de sa vie. » Pour illustrer cette rencontre, Artémis représente une licorne toute blanche, mais pas uniformément blanche, dressée devant une silhouette rouge évoquant une femme, tandis que des gouttes de sperme inondent le sujet. Les autres tapisseries s'inspirent de ce symbole de pureté, souvent représenté au Moyen-Âge (La Chasse à la licorne, la Dame à la licorne, deux tentures du XVe siècle).
À côté de ces œuvres monumentales, présentées dans une scénographie qui les met bien en valeur et évoquant les couleurs de Tinos, nous pouvons voir les œuvres sur papier (maquettes, collages, photocopies, gravures, sérigraphies, etc.) qui ont permis à Artémis de réaliser ses tapisseries. Une exposition très intéressante, à voir durant ces vacances, en faisant un détour par Angers où les châteaux, les musées et les tapisseries exceptionnelles (L'Apocalypse, le Chant du Monde) ne manquent pas. R.P. Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine, Angers (49). Jusqu'au 24 novembre 2013. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musees.angers.fr.


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