L’ART ET L’ENFANT
Chefs-d’œuvre de la peinture française

Article publié dans la Lettre n° 395
le 11 avril 2016


 
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L’ART ET L’ENFANT. Chefs-d’œuvre de la peinture française. Le dossier de presse donne l’impression qu’il n’y a pas eu d’expositions consacrées à l’enfant depuis celles de la première moitié du XXe siècle, au Petit Palais (1901), à Bagatelle (1910) et à la galerie Charpentier (1949). Pourtant, en 2003, nous avons rendu compte de l’exposition organisée par le Musée-Promenade de Marly-le-Roy intitulée « L’Enfant chéri au siècle des lumières » (Lettre 214), avec quelque 80 œuvres sur ce sujet, dont certaines sont ici ! La présente exposition est plus généraliste puisqu’avec 75 œuvres elle brosse un panorama historique de la peinture d’enfants allant du XVIe au XXe siècle, fruit de la collaboration entre des historiens et des historiens d’art. Cela est très intéressant car nous voyons, à travers ces tableaux, comment l’enfant était considéré au fil des siècles.
Aux XVIe et XVIIe siècle, où la mortalité infantile est considérable, il faut avoir une nombreuse descendance pour assurer l’avenir des parents et la pérennité du nom de famille. Les tableaux représentent donc des enfants habillés comme des adultes (Portrait du futur Louis XIV) ou encore entourés de toute la famille (Portrait de la famille Habert de Montmor). On trouve aussi des portraits commémoratifs d’enfants morts comme celui de Louise-Marie de Bourbon, duchesse d’Orléans, cinquième enfant de Louis XIV et de Mme de Montespan, morte à l’âge de sept ans, loin de ses parents qui commandèrent son portrait à Pierre Mignard.
Au XVIIIe siècle, on porte un regard plus approfondi sur l’enfant, source de richesse. La médecine, relayée par Jean-Jacques Rousseau dont l’Émile, ou De l’Éducation remporte un très grand succès, incite les mères à allaiter leurs enfants comme l’illustre le magnifique tableau de Louis-Roland Trinquesse, Jeune Femme allaitant son enfant (1777). L’Etat réglemente alors la mise en nourrice, pratique systématique dans les sphères aristocratiques et bourgeoises jusqu’à cette époque. De même, les parents s’impliquent dans l’éducation de leurs enfants, confiée alors à un précepteur, les préparant eux-mêmes à leurs futurs rôles comme le montre le tableau de Girodet-Trioson, La Leçon de géographie (1806). En prenant plus d’importance, l’enfant s’affranchit de l’image d’être innocent qu’il faut protéger pour être associé à celle du héros combattant. Les exemples sont nombreux dans la peinture et la littérature. Ici nous voyons, entre autres, Les Petits patriotes de Philippe-Auguste Jeanron (1830), Enfant de troupe ou Le Clairon d’Eva Gonzalès (1870), Les Etrennes de la guerre d’Henri-Jules Jean Geoffroy dit Géo (1915), tous trois peints aux lendemains de révolutions ou de guerres.
Au milieu du XIXe siècle, dans les années 1830-1870, la société s’intéresse de plus en plus à l’enfant en tant qu’individu et les peintres suivent le mouvement en multipliant les scènes de genre enfantines. Cela va de l’Enfant au cerceau (1841) de Millet, qui représente un enfant élégamment vêtu, à La Précaution maternelle (1855-1857) également de Millet, montrant une mère aidant son petit garçon à se soulager, en passant, entre autres, par Le Premier Bain (vers 1852-1855) de Daumier dans lequel un père guide son fils dans la Seine, vers l’Île Saint-Louis, qui n’était pas encore entourée de quais à cette époque.
Néanmoins la vie des enfants est contrastée et si, dans les années 1870-1900, les impressionnistes nous font pénétrer dans l’intimité de leur cercle familial avec des enfants épanouis qui jouent dans le jardin (Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival, par Berthe Morisot, 1881), qui feuillettent un livre (Les Enfants de Martial Caillebotte, par Renoir, 1895) ou qui jouent au ballon (Le Ballon, dit aussi Coin de parc avec enfant par Vallotton, 1899), des peintres comme Bastien-Lepage avec Petit cireur de bottes à Londres (1882) ou Fernand Pelez avec Un Martyr. Le marchand de violettes (1885), nous montrent ce qu’était la vie des enfants des rues exerçant de petits métiers pour subvenir à leurs besoins, victimes des méfaits de la société contemporaine.
Les dernières parties de l’exposition abordent l’aube du XXe siècle avec « Le dessin d’enfant et les avant-gardes » et « L’art brut et le dessin d’enfant ». On y voit des dessins réalisés lorsqu’ils étaient enfants par des peintres reconnus (Maurice Denis, Jean Lurçat), des tableaux d’artistes s’inspirant de la manière de dessiner des enfants comme Matisse avec Portrait de Pierre (1909) ou Picasso avec Paul dessinant (1923) et quelques tableaux de Jean Dubuffet et Gaston Chaissac. En effet, en 1948, Dubuffet fonde la « Compagnie de l’art brut », art qu’il définit comme « des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de toute culture artistique », ce qui est le cas de Chaissac. C’est la partie la moins convaincante de cette exposition, très intéressante, bien documentée et bénéficiant d’une scénographie tout à fait adaptée au parcours. Musée Marmottan Monet 16e. Jusqu’au 3 juillet 2016. Lien : www.marmottan.com.


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