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 L’ART EN GUERRE.FRANCE 1938-1947
Article 
              publié dans la Lettre n° 348du 
              31 décembre 2012
 
 L’ART EN GUERRE. FRANCE 1938-1947. 
              Ce n’était pas une entreprise facile de montrer comment les artistes 
              ont modifié en profondeur les contenus et les formes de l’art en 
              France, dans un contexte d’oppression, de guerre et d’occupation. 
              C’est pourtant ce qu’ont réussi à faire Laurence Bertrand Dorléac 
              et Jacqueline Munck en réunissant près de 400 œuvres réalisées par 
              une centaine d’artistes, qu’elles présentent dans onze sections. 
              Le parcours de cette exposition d’une très grande richesse, avec 
              de nombreuses œuvres d’artistes peu connus, voire anonymes, mais 
              fascinants comme Joseph Steib, ne laisse pas indifférent. Cela nous 
              permet de resituer la production et l’évolution de ces artistes, 
              ce qu’il nous est plus difficile de faire lorsque nous ne voyons 
              qu’une monographie de chacun d’entre eux. La première section évoque 
              la célèbre rétrospective internationale du surréalisme organisée 
              début 1938 par André Breton, entouré d’une multitude d’artistes. 
              Avec le recul, elle apparaît aujourd’hui prémonitoire du cauchemar 
              qu’allait vivre l’Europe, car ces artistes, dont certains avaient 
              connu la Grande Guerre, sentaient, avant même les accords de Munich, 
              que tout pouvait basculer dans la violence, du jour au lendemain, 
              durablement. C’est ce que décrit la deuxième section, « Dans les camps », qui 
              nous montre des œuvres réalisées par quelques-unes des 600 000 personnes 
              qui passèrent dans les quelque 200 camps installés un peu partout 
              en France. Les gouaches de Charlotte Salomon, réunies dans un manuscrit 
              intitulé Leben ? Oder Theater ? (Vie ? ou Théâtre ?) nous 
              bouleversent. De même, les délicats ouvrages de Roger Payen, enfermé 
              à la prison de la Santé, réalisés avec des boîtes d’allumettes, 
              sont d’émouvants souvenirs de cette époque tragique, comme le seront 
              plus tard, en infiniment plus terribles, les photos des camps d’extermination 
              et les œuvres que ces derniers inspireront.
 La troisième section, « Exils, refuges, clandestinités », explique 
              comment les artistes qui vivaient dans la clandestinité, la plupart 
              du temps sans matériel de peinture, inventèrent, comme le roumain 
              Brauner, de nouvelles techniques pour exorciser leurs angoisses 
              de mort.
 Après une section consacrée aux « Jeunes peintres de tradition française » 
              (Villon, Bazaine, Manessier, etc.) et aux « Maîtres référents » 
              (Cézanne, Matisse, Braque, Bonnard et Rouault, pour ne citer que 
              les plus récents), nous arrivons dans la section « Picasso dans 
              l’atelier ». Celui-ci, à qui on venait de refuser la nationalité 
              française, resta à Paris mais se tint à l’écart de toutes les manifestations 
              artistiques. Ces dernières étaient placées sous l’égide des nazis 
              ou de Vichy, à l’exception de quelques-unes, comme celles de la 
              galerie Jeanne Bucher, évoquée dans la huitième section. Menacé 
              par la Gestapo, objet de violentes attaques publiques de Maurice 
              de Vlaminck, ignoblement jaloux, Picasso ne cesse de produire sculptures, 
              peintures, dessins érotiques, que l’on découvrira avec stupéfaction 
              et émerveillement à la Libération. Il s’inscrira alors au parti 
              communiste et présidera l’épuration de la scène culturelle française.
 Parmi les dernières sections, celle consacrée à l’alsacien Joseph 
              Steib dont la cible est le régime nazi et surtout Hitler, qu’il 
              représente dans différentes situations, par exemple en enfer (La 
              Damnation du führer), ou en parodiant La Cène de Léonard 
              de Vinci, est tout aussi surprenante qu’inattendue.
 Après « Décompression » qui nous montre de jeunes artistes aspirant 
              à la liberté, l’exposition se termine par « Les Anartistes », terme 
              emprunté à Marcel Duchamp (retour au surréalisme !) où l’on voit 
              des œuvres d’artistes autodidactes, à côté de dessins d’internés 
              de l’Hôpital Sainte-Anne, tous anonymes. Une exposition absolument 
              exceptionnelle et qui ne s’oublie pas. Musée d’Art moderne de 
              la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 17 février 2013. Pour 
              voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien 
              : www.mam.paris.fr.
 
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