Parcours en images de l'exposition

L'ÂME PRIMITIVE

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°539 du 19 janvier 2022




Entrée de l'exposition
L'Âme primitive

Au début du siècle dernier à Paris, Ossip Zadkine est l’un des artistes qui inventent, en se tournant vers le «primitif», un nouveau langage sculptural. La radicalité de son œuvre témoigne alors, bien au-delà de recherches formelles, d'une défiance envers la civilisation moderne et ses valeurs. Dans le geste de l'artisan, dans la foi du sculpteur roman, dans la naïveté des peintres d'enseigne de sa Russie natale, Zadkine voit non pas un défaut de connaissance ou de technique, mais l'exemple, disparu ou menacé, d’un lien vrai au monde.

C'est par le chant de cette « âme primitive » que Zadkine dialogue avec ceux de ses contemporains qui se revendiquent sauvages, fauves, néo-primitivistes ; mais aussi, si intimement, avec ceux qui aujourd'hui continuent de chercher à exprimer « la palpitation de la vie humaine bouleversée par le tragique ».

 
Texte du panneau didactique.
 
Hannah Höch (1889-1978). Aus der Sammlung. Aus einem Ethnographischen Museum Nr IX [De la collection d’un musée ethnographique n°IX], 1926-1929. Collage et aquarelle sur papier marouflé. Courtesy de la galerie Natalie Seroussi, Paris.


LA PERSPECTIVE INVERSÉE

Scénographie
LA PERSPECTIVE INVERSÉE

Le premier chapitre de l'exposition reprend le titre d'un ouvrage de Pavel Florenski, auteur, philosophe et théologien russe. Il ouvre sur une certaine vision du primitivisme, qui récuse d'emblée l'idée d'une hiérarchie entre les productions artistiques qui serait fonction du degré de développement de la société, ou de l'individu, dont elles sont issues.

Comme Zadkine ou ses contemporains, notamment russes, qui rejettent violemment l'académisme, l'auteur inverse les termes de l'équation et déclare : « Normaliser mathématiquement les procédés de représentation du monde, cela relève de l'outrecuidance d’un fou. »

L'art des enfants (collection de Vassily Kandinsky), des autodidactes (Helene Reimann), l’art populaire comme les arts extra-occidentaux ou « archaïques » - art du Moyen Âge et icônes - servent de modèle alternatif aux artistes qui cherchent, eux aussi, à voir et à rendre le monde autrement.

Ce renversement de perspective, à la fois formel et symbolique, est sensible dans les travaux des fauves et dans ceux des néo-primitivistes. Il se retrouve dans les œuvres de Valérie Blass ou dans les collages d'Hannah Höch, avec leur goût de l'hybridité, et, d'une autre manière, dans le perspectivisme, la capacité à regarder comme un autre, en l'occurrence un animal, dans L'Homme-lion d'Abraham Poincheval.

 
Texte du panneau didactique.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Femme à la cruche ou Porteuse d’eau, 1923. Noyer. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine.
Scénographie
 
Abraham Poincheval (né en 1972). L’Homme-lion, 2020. Dessin sur feuille d’or et feuille d’argent contrecollées sur carton. Paris, galerie Semiose.
 
Marc Chagall (1887-1985). Nu en mouvement, 1912. Gouache sur papier d’emballage brun marouflé sur toile. Dation, 1988. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle.
 
Anonyme (enfant, XXe siècle). Cavalier. Sans date. Mine graphite sur papier. Legs de Nina Kandinsky, 1981. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Léda, 1919-1920. Marbre. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine.
Scénographie
 
Morgan Courtois (né en 1988). Sans titre, 2021. Plâtre, moulage réalisé par Sébastien Nobile. Courtesy de la galerie Balice Hertling, Paris.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Les Vendanges, [1918]. Orme, 97 × 55 × 40 cm. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine. Ossip Zadkine © Adagp, Paris 2021. Photo E. Emo/F. Cochennec /Musée Zadkine/Paris Musées.
 

Natalia Gontcharova est une figure majeure du néo-primitivisme russe. Vers 1920, elle réalise Thème jardin, probable projet de rideau de scène pour les Ballets russes de Serge Diaghilev. Les fleurs ébauchées, flottant sur la surface, rappellent celles des motifs populaires colorés de la fabrique textile des parents de l'artiste. La composition dynamique, mêlant formes géométriques et lignes organiques, structure l'espace printanier. Elle évoque les recherches rayonnistes menées par Gontcharova et son compagnon, Mikhaïl Larionov, pour représenter les vibrations énergétiques émanant des objets (cartel développé).

Ossip Zadkine (1888-1967). Figure féminine, 1920 (détail). Bronze. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine.
 
Natalia Gontcharova (1881-1962). Thème jardin, [1920]. Mine graphite, aquarelle et gouache sur papier, 37,5 × 53,7 cm. Achat, 1976. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle. Inv. AM 1976-17. Natalia Gontcharova © ADAGP, Paris 2021. Photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI.
Helene Reimann (1893-1987). De gauche à droite :
- Fleurs, avant 1987. Crayon graphite et crayon de couleur sur papier beige.
- Fleurs, avant 1987. Crayon graphite et crayon de couleur sur papier.
- Fleurs, avant 1987. Crayon graphite et crayon de couleur sur papier beige.
- Fleurs, avant 1987. Crayon graphite et crayon de couleur sur papier fin ligné.
- Fleurs, 1979-1987. Crayon graphite et crayon de couleur sur papier beige imprimé au revers.
Donation de l’Aracine, 1999. Villeneuve d’Ascq, LaM, Lille Métropole musée d’Art moderne, d’Art contemporain et d’Art brut.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Maternité, 1919. Marbre. Achat de la Ville de Paris sur les fonds du legs de Valentine Prax, 1993. Paris, musée Zadkine.
 
Valérie Blass (née en 1967). I feel funny (Je me sens drôle), 2015. Impression et jet d’encre sur panneau PVC, Kevlar et éléments d’étagères modifiés. Achat auprès de la Catriona Jeffries Gallery, 2016. Paris La Défense, Centre national des arts plastiques.
 

Valérie Blass (née en 1967). One couple, a single one [Un couple, un seul], 2015. Diptyque, impression jet d’encre sur aluminium, cadre en acier, 43 × 66 cm et 53 × 67 cm. Vancouver, Catriona Jeffries Gallery. © Valérie Blass ; courtesy Catriona Jeffries Gallery / Photo: SITE Photography.

Dans les compositions en tension de Valérie Blass, les corps plats deviennent volumes dans l'espace, tandis que les corps en volume doivent se plier à des formes géométriques sur papier. Les deux œuvres illustrent ce jeu d'équilibriste, tantôt de déconstruction, tantôt de décalage, qui permet à l'artiste de surprendre le regard. La sculptrice canadienne, qui s'intéresse au primitivisme et aux fragments de sculptures antiques, aime à manipuler les corps. À la recherche de formes nouvelles, elle crée des collages de corps hybrides, qui ne sont pas sans rappeler ceux de l'artiste Hannah Höch (cartel développé).



CE QUI PARLE TOUJOURS EN SILENCE, C'EST LE CORPS

Scénographie
CE QUI PARLE TOUJOURS EN SILENCE, C'EST LE CORPS

Le corps constitue un enjeu majeur pour les  artistes «primitivistes» modernes comme pour les contemporains. De la même manière qu'on cherche à libérer la représentation de son carcan académique, il faut libérer le corps de son carcan d'obligations sociales : revenir à la nudité (André Derain), laisser s'exprimer le corps librement, en postures ou en danse (Auguste Rodin), ne pas réprimer sa dimension sexuelle. Cette liberté et cette puissance affirmées se retrouvent, comme un manifeste, dans la figure de guerrière de Miriam Cahn.

Mais au-delà de cette lecture sociétale immédiate, la cristallisation des recherches autour du corps tient à sa capacité à mettre au défi les dichotomies classiques. Le corps est intériorité en même temps qu'extériorité, seuil que représente parfaitement la peau (Morgan Courtois). Il est flux autant que fixation ; énergie autant que matière ; un récepteur autant qu'un émetteur. Comme l'indique l'étymologie d'« âme », ce mot si cher à Zadkine, il est tout entier souffle, il traverse et est traversé par son milieu.

Le corps, et non plus seulement l'œil, devient l'outil d’une appréhension sensible de l'environnement. Entre le nouveau langage abstrait de Kandinsky ou de Jean Arp, et le simple enregistrement sismographique des vibrations du monde par William Anastasi, une même recherche se joue. C'est celle d'une « langue primitive » qui dirait une autre vérité  du monde, une vérité en deçà ou au-delà des discours  rationalistes ravageurs.

La représentation du visage, dès lors, peut se défaire  des oripeaux de l'apparence pour tendre à la vraie  apparition. Nourri de culture russe et du souvenir des icônes, mais fasciné aussi par sa découverte de sculptures de bouddhas, Zadkine s'applique à insuffler à ses nombreuses Têtes une présence, une vie, qui ne réside pas dans la justesse de détails anatomiques. À distance de quelques décennies, les Têtes de Marina Merz témoignent de la même intemporelle énergie.

 
Texte du panneau didactique.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Rebecca ou La Grande Porteuse d’eau, 1927. Plâtre peint. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine.
 

Miriam Cahn (née en 1949). Kriegerin [Guerrière], 2012. Huile sur toile, 165 × 100 × 1,5 cm. Achat auprès de la galerie Jocelyn Wolff, 2016. Carquefou, Frac des Pays de la Loire. Photo © Fanny Trichet.

Cette grande toile aux couleurs vives fait partie d'un ensemble de guerrières peintes par Miriam Cahn. Prête à l'attaque, dans une posture d'intimidation ou de défi, la combattante semble tenir des grenades dans les mains. Le corps nu aux seins lourds et au sexe apparent impose la présence puissante et frontale de cette femme, dont la tête et la poitrine sont couvertes d'un voile bleuté presque transparent. À hauteur du regard et à échelle humaine, cette guerrière devient corps-miroir de la condition féminine. Pour l'artiste suisse, qui considère la peinture comme une performance, le corps est autant un outil de travail qu’un sujet récurrent de représentation (cartel développé).

 
Ossip Zadkine (1888-1967). Tête de femme, 1924. Pierre calcaire, incrustation de marbre gris et rehauts de couleur. Achat de la Ville de Paris sur les fonds du legs de Valentine Prax, 2009. Paris, musée Zadkine.
 
André Derain (1880-1954). Nu assis (La Penseuse), vers 1906. Xylographie sur papier. Donation de Geneviève et Jean Masurel, 1979. Villeneuve d’Ascq, LaM, Lille Métropole musée d’Art moderne, d’Art contemporain et d’Art brut.
 
André Derain (1880-1954). Nu assis, vers 1906. Xylographie sur papier. Donation de Geneviève et Jean Masurel, 1979. Villeneuve d’Ascq, LaM, Lille Métropole musée d’Art moderne, d’Art contemporain et d’Art brut.
 

La technique de la taille directe permet à Zadkine de faire apparaître des formes-corps, comme si elles étaient en réalité déjà présentes dans la matière. Personnage penché donne ainsi l'impression d'un corps fossilisé dans une pierre. La mythologie ayant été une source d'inspiration essentielle pour Zadkine, on ne peut s'empêcher de voir dans ce personnage Sisyphe, le héros d'Homère condamné à rouler un énorme rocher jusqu'au sommet d'une montagne d'où la pierre retombe sans cesse. « Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même !» écrivait Albert Camus, en 1942, dans Le Mythe de Sisyphe (cartel développé).

Corentin Canesson (né en 1988). Sans titre, 2017. Acrylique et huile sur toile. Courtesy de la galerie Sator, Romainville.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Personnage penché, [1919]. Pierre, 29 × 38 × 24 cm. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine. Ossip Zadkine © Adagp, Paris 2021. Photo © Julien Vidal /Musée Zadkine/Paris Musées.
Scénographie
 
Auguste Rodin (1840-1917). Femme nue debout, les bras croisés et levés devant elle, 1898-1904. Aquarelle et mine graphite sur papier vélin collé sur carton, 50,2 × 32,2 cm. Paris, musée Rodin. Inv. D.04680. © Agence photographique du musée Rodin - Jérome Manoukian.
 
Auguste Rodin (1840-1917). Femme debout, vêtue d’une robe transparente. Sans date. Aquarelle et mine graphite sur papier vélin. Paris, musée Rodin.
 
Auguste Rodin (1840-1917). Mouvement de danse, 1911. Terre cuite, 36,8 × 14,6 × 5,9 cm. Paris, musée Rodin. Inv. S.06362. © Agence photographique du musée Rodin - Jérome Manoukian.
 
Auguste Rodin (1840-1917). Mouvement de danse B, avec tête de la femme slave, 1911. Terre cuite, 33 × 13 × 11,8 cm. Paris, musée Rodin. Inv. S.03796. © Agence photographique du musée Rodin - Jérome Manoukian.

Les Mouvements de danse d'Auguste Rodin sont des œuvres tardives dans la carrière du sculpteur, réalisées en observant les postures de la danseuse acrobate Alda Moreno. Elles révèlent autant la manière dont celle-ci travaille avec son corps, ouvert et en relation avec l'espace, que la façon dont Rodin, à son tour, modèle la terre ou assemble différentes sections moulées, déployant un vocabulaire architectonique du corps.
Ces Mouvements de danse sont symboles de liberté et d'expérimentation, celles de Rodin, celles de Moreno, à une période où le geste de l'artiste comme le corps de la danseuse cherchent à se libérer de certains carcans traditionnels (cartel développé).

 
Auguste Rodin (1840-1917). Mouvement de danse, 1911. Terre cuite. Paris, musée Rodin.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Couple, 1913. Plume et encre brune, lavis, graphite sur papier vélin fin sur papier vergé Ingres. Achat auprès de la galerie Éric Touchaleaume, 1997. Paris, musée Zadkine.
 

Morgan Courtois (né en 1988). Fold IV, 2019. Grès sigillé cuit à très haute température. Courtesy de la galerie Balice Hertling, Paris.

La sculpture de Morgan Courtois témoigne à la fois d’une attention à la masse et à son équilibre, et d'une grande sensibilité à la texture, élastique, poreuse, vivante, de la matière. Les plis dessinent le corps humain et sa peau, agrandis de manière à pouvoir y plonger le regard. La volupté et la sensualité qui s'en dégagent évoquent une certaine ambivalence érotique, entre attraction et contrainte.
Le jeu de la lumière sur la matière et les modelés rappelle les recherches de la Renaissance italienne pour une transcription réaliste de la peau tout en se libérant de la représentation classique du corps (cartel développé).

 
Auguste Rodin (1840-1917). Petite Faunesse. Avant 1887. Plâtre et gomme laque. Paris, musée Rodin.
 
Louis Fratino (né en 1993). Saturday [Samedi], 2019. Terre cuite et lavis d’oxyde de manganèse, 13 × 13,3 × 5 cm. Courtesy de l’artiste et de la galerie Ciaccia Levi, Paris. © Louis Fratino, courtesy galerie Caccia Levy / Photo © Aurelien Mole.
 
Louis Fratino (né en 1993). Tom’s chair [La Chaise de Tom], 2019. Terre cuite et lavis d’oxyde de manganèse. Paris, collection Laurent Fievet.

Le peintre américain Louis Fratino a commencé à sculpter à Albissola, village italien réputé pour ses carrières d'argile et ses céramiques. Attiré autant par les miniatures indiennes que par les sculptures étrusques, il sculpte des moments intimes de la vie quotidienne avec son compagnon. Ces instantanés sont des éloges de la mémoire affective et érotique dont l'artiste apprécie les dimensions réduites, qui célèbrent selon lui les modes de vie alternatifs. Le lavis d'oxyde de manganèse est, quant à lui, une manière de rappeler la sculpture polychromée ancienne, dans laquelle Louis Fratino décèle une dimension queer (cartel développé).

Scénographie
 
Maria Thereza Alves (née en 1961). Aimõbucu, 2014. Bronze. Courtesy de l’artiste et de la galerie Michel Rein, Paris-Bruxelles.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Panthère, 1922. Terre cuite. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine.
 

Eva Hesse (1936-1970). Sans titre, [1961]. Mine graphite, encre et gouache sur papier, 11,4 × 15,2 cm. Don de M. et Mme André Bernheim, 1994. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle.  © The Estate of Eva Hesse, courtesy Hauser & Wirth. Photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI.

Ce dessin d'Eva Hesse aux dimensions intimes et aux noirs puissants a été réalisé avant que l'artiste ne commence son œuvre en trois dimensions. L'on y sent néanmoins un travail des volumes entre figuration et abstraction, d’une grande expressivité. Le dessin, technique accessible et immédiate, est pour Hesse un support d'expérimentation afin de créer son propre univers. Le graphite, l'encre et la gouache s'entremêlent pour faire apparaître des formes qui peuvent sembler des griffonnages aléatoires, mais évoquent également un art pariétal originel, une écriture primitive et introspective (cartel développé).

 
Michel Blazy (né en 1966). Chien dans le désert, 4 novembre 2008. Crème chocolat, crème vanille, lait en poudre et œuf sur bois, grignoté par des souris, déjections de souris. Achat auprès de la galerie Art : Concept, 2010. Paris La Défense, Centre national des arts plastiques.

Sur le mur :
- Jean Arp (1886-1966). Composition dada, 1919. Encre sur papier.
Paris, collection Seroussi.
- Jean Arp (1886-1966). Composition dada, 1919. Encre sur papier.
Paris, collection Seroussi.
Sur le plateau :
- Thomas Gleb (1912-1991). Sans titre (Tête), 1970. Os.
Angers, musées d’Angers.
- Thomas Gleb (1912-1991). Sans titre (Visage féminin), 1970. Semelle de chaussure.
Angers, musées d’Angers.
- Thomas Gleb (1912-1991). Sans titre (Visage barbu), 1970. Cuir.
Angers, musées d’Angers.
- Thomas Gleb (1912-1991). Sans titre (Femme en buste), 1970. Semelle de chaussure.
Angers, musées d’Angers.
- Thomas Gleb (1912-1991). Sans titre, 1970. Semelle de chaussure.
Angers, musées d’Angers.

- Ossip Zadkine (1888-1967). Tête. Sans date. Terre cuite. Legs de Valentine Prax, 1981.
Paris, musée Zadkine.

Thomas Gleb est un artiste juif polonais arrivé en France dans les années 1930. Il s'est choisi comme prénom Thomas en référence à l'apôtre qui a eu besoin de toucher les blessures de Jésus pour croire à sa résurrection. Gleb, quant à lui, affirme qu'il ne voit bien que lorsqu'il ferme les veux.
Il est un artiste du signe. Ses sculptures, réalisées pour certaines sur des semelles de chaussures, font apparaître, en quelques traits et symboles, des visages humains hors du temps. Ces modestes incisions animent et donnent vie aux matières pauvres et aux petits objets déconsidérés (cartel développé).

 
Ossip Zadkine (1888-1967). Bois inachevée. Sans date. Bois. Legs de Valentine Prax, 2009. Paris, musée Zadkine.
 
Laurent Le Deunff (né en 1977). Totem, 2021. Noix, bois, plume, coquillage, corde, métal. Paris, galerie Semiose.
 
Caroline Achaintre (née en 1969). Solaris Inverse, 2021. Aquarelle et encre sur papier. Paris, galerie Art : Concept.
 
Marisa Merz (1926-2019). Sans titre, années 1980-1990. Argile, acier, 18 × 12 × 20 cm. Bruxelles, collection privée.
Scénographie
 
Marisa Merz (1926-2019). Sans titre, sans date. Matériaux mixtes sur papier de riz, 45,5 × 32,5 cm. Paris, collection privée. Courtesy de la galerie Saint Honoré Art Consulting, Paris. Marisa Merz © Fondazione Merz / Photo Boris Kirpotin.
 
Marisa Merz (1926-2019). Sans titre. Sans date. Peinture et feuille d’or sur carton. Collection privée.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Tête d’homme, 1922. Bois doré à la feuille. Achat de la Ville de Paris sur les fonds du legs de Valentine Prax, 2003. Paris, musée Zadkine.
 
Ossip Zadkine (1888- 1967), Tête aux yeux de plomb, [1919]. Pierre calcaire, 50 × 23 × 23 cm. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine. Ossip Zadkine © Adagp, Paris 2021. Photo E. Emo / F. Cochennec  / Musée Zadkine / Paris Musées.

La tête dite « aux yeux de plomb » doit son nom au métal dont le regard était à l'origine incrusté. Avec cette sculpture à l'allure austère, Zadkine pousse la stylisation des formes à l'extrême. Il simplifie les plans, supprime certains détails et accentue ceux retenus, comme la protubérance du crâne, l'allongement de l'arête du nez et la géométrisation de l’arcade sourcilière.
Loin de l’art académique du portrait individuel, les nombreuses têtes sculptées de Zadkine  favorisent l'expérimentation d'une grande liberté des formes qui mêle le respect de la matière et l'expressivité de l'âme humaine (cartel développé).

 
Marisa Merz (1926-2019). Sans titre, sans date. Argile rouge crue, peinture argentée et dorée, acier, 11 × 9 × 3 cm. Turin, collection Merz. Marisa Merz ©  Fondazione Merz / Photo Renato Ghiazza.
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Marisa Merz est une artiste majeure de l'Arte povera. À partir des années 1980, son œuvre se peuple de nombreuses têtes modelées et visages dessinés. La plupart ne portent ni titre ni date et apparaissent sans âge. Ni masculines ni féminines, ces figures sont à la fois universelles, presque iconiques, et très intimes, mystérieuses. Les œuvres sur papier et la sculpture disposée sur un plateau d'acier offrent une hybridité matérielle d’une grande richesse. Avec les surfaces d'or sur les visages et alentour, Merz se fait alchimiste.
La sculpture disposée sur un trépied conçu par  l'artiste fait montre d’une plus grande économie de moyens. Elle associe l'argile modelée à l'acier du socle, matériaux bruts dont les qualités intrinsèques respectives sont mises en valeur. Le temps semble avoir effacé les traits du visage au lieu de les accentuer, ils ont presque disparu de cette tête sculptée. Une réelle expression intérieure en surgit pourtant. Du visage disposé en hauteur et comme tourné vers la lumière irradie une énergie invisible (cartel développé).

 
Mark Manders (né en 1968). Unfired Clay Head [Tête en argile crue], 2015-2016. Époxy peinte, bois, acier inoxydable, verre, 43,2 × 31 × 31 cm. Courtesy de la Zeno X Gallery, Anvers. Mark Manders © Adagp, Paris, 2021/ Photo Peter Cox.

L'Unfired Clay Head de Mark Manders fait partie de son projet Self-portrait as a building débuté en 1986, métaphore d'un bâtiment au sein duquel, un jour, toutes ses œuvres seront rassemblées. Cet autoportrait total prend ici la forme d’une coupe de visage, dont les côtés sont absents, détruits ou à venir.
Nourri de littérature, Manders laisse au regardeur le soin d'imaginer son propre récit face à cette tête qui brouille les pistes. Hors du temps, abandonnée ou retrouvée, elle est trompeuse. Son titre et son apparence, laissant présager d'une grande fragilité, dissimulent avec dextérité son véritable matériau de fabrication (cartel développé).

 
Laurent Le Deunff (né en 1977). Patate I à IX, 2018. Bois. Galerie Semiose.
 
Laurent Le Deunff (né en 1977). Patate II, 2018. Bois. Galerie Semiose.
 
Laurent Le Deunff (né en 1977). Patate V, 2018. Bois. Galerie Semiose.
 
Laurent Le Deunff (né en 1977). Patate VII, 2018. Bois. Galerie Semiose.

Les Patates de Laurent Le Deunff déploient avec humour des combinaisons anthropomorphes à partir d'une forme de tubercule. À la fois familiers et grotesques, ces assemblages entremêlent de nombreuses sources d'inspiration. Le Deunff se nourrit de l'esprit de la forêt à côté de laquelle il vit, de folklores de différentes régions du monde et d'art brut. Il s'inspire aussi de pratiques amateurs et de cultures enfantine, pop et web. Le mariage des représentations du monde naturel de ces univers fait apparaître sa sculpture comme un décalage, une plaisanterie joyeuse et animée, l'artiste considérant ses œuvres comme des personnages vivants (cartel développé).



LA DEMEURE

Scénographie
LA DEMEURE

L'atelier du jardin, qui fut le refuge de tant de recherches de Zadkine, permet l'évocation du motif de l'abri, de La Demeure, selon le titre de l'œuvre d'Étienne-Martin, qui est aussi celui d’une série de sculptures et de dessins de Zadkine.

C'est un thème essentiel pour qui regarde vers le «primitif »: à côté de la seule protection physique qu'apporte la société contemporaine après la révolution industrielle, il s'agit pour nombre d'artistes modernes et contemporains de rétablir l’idée et les gestes d'un nécessaire enveloppement qui ne soit pas seulement matériel mais aussi rituel, psychique, mémoriel.

À la pensée d’une progression est substituée celle d’une contenance, qui engage autant l'esprit que le corps. Les enchevêtrements de bois de la Tour des ombres, comme un tissage, construisent un espace à l'abri du visible ; rappelant que la vie physique, comme la psychique, ne prospère pas dans la toute transparence. Autour d'elle s'organisent une multitude d'actions, de formes, qui retiennent le temps, la matière, la mémoire, avant leur inéluctable transformation.

 
Texte du panneau didactique.
 
Fernand Léger (1881-1955). Quartier de mouton, 1933. Encre de Chine sur papier. Achat, 1981. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle.
 
Étienne Martin (1913-1995). Le Passage ou Tour des ombres (La Demeure XII), 1969. Chêne. Achat en salon, 1970. Paris, musée d’Art moderne de Paris.
 
Ossip Zadkine (1888-1967). Prométhée, 1955-1956. Orme, 300 × 69 × 98 cm. Legs de Valentine Prax, 1981. Paris, musée Zadkine. Inv. MZS 294.

L'imposant Prométhée de Zadkine représente le héros mythologique transgressif qui a volé le feu aux dieux pour le donner aux humains. Taillé d'un seul bloc dans une grume d'orme, essence que Zadkine appréciait particulièrement, Prométhée apparaît comme envoûté par le feu, et son corps telle une forêt de flammes. Cette sculpture monumentale est l’une des dernières occurrences de la taille directe dans la carrière de Zadkine. Les traces des outils qui surgissent à divers endroits font transparaître les gestes nombreux et répétitifs, le travail physique du sculpteur dans l'atelier (cartel développé).

Rebecca Digne (née en 1982). De gauche à droite :
- A perdere #6 [À perte #6], 2019. Céramique, sable, cire et corde.
Courtesy de l’artiste.
- A perdere #10 [À perte #10], 2020. Céramique, sable, cire et corde.
Courtesy de l’artiste.
- A perdere #1 [À perte #1], 2017. Céramique, sable, cire et corde.
Courtesy de l’artiste.

La série de sculptures de Rebecca Digne porte pour titre une notion primordiale pour l'artiste : la perte, qui autorise la métamorphose. Les structures fantomatiques matérialisent les réseaux de cire, issus de la technique ancienne du moulage à la cire perdue et voués à disparaître pour laisser place à la sculpture. Comme les traces de repères construits et détruits, elles forment des territoires abstraits, une cartographie sensible du paysage mental de l'artiste et de ses transformations personnelles.
Dans le jardin du musée, Digne conduit le principe de la perte à son paroxysme en exposant l’une de ses sculptures aux éléments naturels et au passage du temps (cartel développé).

 
Rebecca Digne (née en 1982). A perdere #1 [Perdre #1], 2017. Céramique, sable, cire et corde, dim. ? Courtesy de l’artiste. Rebecca Digne © Adagp, Paris, 2021 / Photo Thomas Hennocque.
 
Rebecca Digne (née en 1982). A perdere #3 [À perte #3], 2018. Céramique, sable, cire et corde. Courtesy de l’artiste.
Scénographie avec, au centre, de Gyan Panchal (né en 1973) : Le Poumon, 2017. Épave, bleu de travail, résine, peinture.
Achat auprès de la galerie Marcelle Alix, 2018. Carquefou, Frac des Pays de la Loire.

Disposé à la verticale et semblant flotter, le fragment de barque utilisé par Gyan Panchal forme un abri pour le bleu de travail, comme un thorax qui enveloppe les poumons. Barque et vêtement connectent l'humain à son environnement naturel ou de travail autant qu'ils l'en protègent, dans un rapport de porosité.
L'artiste donne une nouvelle vie aux matériaux abandonnés - souvent manufacturés - qu'il rencontre au hasard de ses balades et auxquels il offre une attention, un soin particulier. Par des gestes et associations simples, il en active la force en dormance (cartel développé).

 
Mathieu Kleyebe Abonnenc (né en 1977). Le Veilleur de nuit, pour Wilson Harris (2), 2018. Carapace de tortue, gallium, 70 × 58 × 22 cm. Courtesy de l’artiste.
 
Caroline Achaintre (née en 1969). Sir Lieu, 2021. Céramique, porcelaine. Paris, galerie Art : Concept.
Caroline Achaintre (née en 1969). De gauche à droite :
- Miss Chief, 2021. Céramique, grès.
Paris, galerie Art : Concept.
- Billow, 2020. Céramique, grès.
Paris, galerie Art : Concept.
- Augustus, 2021. Céramique, porcelaine.
Paris, galerie Art : Concept.

L'intérêt que Caroline Achaintre porte au carnaval, à l'art préhistorique et au primitivisme, la conduit à la création de nombreux masques. Ses céramiques forment un peuple d'êtres aux formes humaines ou animales. Leur épiderme, reptilien, humide, offre une présence organique à ces créatures qui sont le fruit d'une mue constante, d'une fluidité de l'être nécessairement multiple.
Cette hybridité est aussi celle de la matière, travaillée par Achaintre, ancienne forgeronne qui fait l'expérience d'une relation directe avec les matériaux et goûte à chaque cuisson la métamorphose des matières et des couleurs (cartel développé).

 
Caroline Achaintre (née en 1969). Riff Raff, 2020. Céramique, porcelaine. Paris, galerie Art : Concept.
 
Caroline Achaintre (née en 1969). Miss Chief, 2021. Céramique, grès, 54 × 26 × 4 cm. Paris, galerie Art : Concept. © Caroline Achaintre, Courtesy galerie Art : Concept, Paris.  Photo Romain Darnaud.