VOLTA À TERRA

Article publié exclusivement sur le site Internet, après la Lettre n° 394
du 21 mars 2016


 

VOLTA À TERRA. Documentaire de João Pedro Plácido avec Daniel Xavier Pereira, Antonio Guimarães, Daniela Barroso (Portugal, Suisse, France - 2016 - couleur - 1h18).
Avec ce « Retour à la terre », le réalisateur portugais a voulu rendre hommage à ses grands-parents maternels en tournant une sorte de docu-fiction dans le petit village d’Uz, d’où ils venaient. Uz, situé au nord du Portugal, dans une région légèrement montagneuse, à une centaine de kilomètres de Porto, à l’intérieur des terres, est encore habité par quelques dizaines de paysans. En effet la plupart de ses habitants ont immigré à partir des années 1960 et pour ceux qui restent la vie ne semble pas avoir changé depuis cinquante ans. Les scènes familières que filme João Pedro Plácido au fil des quatre saisons, évoquent ces films d’après-guerre montrant la vie des paysans. Ici, Daniel, le jeune paysan personnage principal du film, mène paître sa dizaine de vaches, des bêtes magnifiques avec de grandes cornes, ce qui les empêcherait de se nourrir dans les étables « modernes », en les appelant encore par leurs noms. Les femmes passent des heures à tondre les moutons avec des ciseaux de cuisine quand un tondeur professionnel le fait aujourd’hui en moins de trois minutes. Les champs, minuscules, boueux, pentus, pierreux, sont difficiles à travailler, même avec un tracteur. Les paysans plantent les graines à la main et moissonnent le blé à la faucille. On égorge encore les cochons sur place et tout le village est mobilisé pour cette tâche. Bref nous sommes aux antipodes de l’agriculture intensive et ces paysans ont beaucoup de mérite à rester dans ce village même si « un agriculteur, ça n’a jamais faim ». En été on devine que leurs proches, partis vivre ailleurs, reviennent au village, avec cette scène où un petit garçon parle en français à Daniel, son oncle, qui ne comprend rien !
Cela étant les traditions festives demeurent aussi. Nous assistons à l’une d’entre elles, une grande fête qui attire beaucoup de monde et où les gens du village reconstituent une scène de battage au fléau (il en reste donc dans leurs granges !), le transport du blé avec une charrette tirée par des bœufs, etc. Le réalisateur, faisant aussi œuvre de fiction, même si son film est aussi soigné qu’un documentaire classique, met en scène la rencontre de Daniel et d’une jeune fille du village voisin. Trouver à se marier est en effet difficile dans de telles conditions et les jeunes du village évoquent ce problème à maintes reprises. On le voit, ce film est un témoignage émouvant d’une région où le temps semble s’être arrêté. Dans un entretien, le réalisateur explique qu’il n’y a pas de crise économique à Uz, que « les différents gouvernements n’ont jamais pensé à ces gens » et que « ce sont des citoyens oubliés ». Heureusement qu’un tel film contribue à rappeler qu’ils sont bien là. R.P. En salles à partir du 30 mars 2016.

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