LA
VIERGE DES TUEURS
Article
publié dans la Lettre n° 176
LA
VIERGE DES TUEURS. Film colombo-français
de Barbet Schroeder avec German Jaramillo, Anderson Ballesteros,
Juan David Restrepo (1999-couleurs-1h40).
L’écrivain Fernando Vallejo revient à Medellin, Colombie, sa ville
natale, après trente années d’exil. Un ami d’autrefois l’accueille
et lui présente Alexis, un adolescent de seize ans. Une amitié amoureuse
va bientôt les lier. Fernando va réapprendre sa ville à travers
le regard d’Alexis. En trente ans, tout a changé. Medellin est morte,
Medallo, ou plutôt Metrallo (mitraillette), l’a supplantée. Avec
l’adolescent, Fernando va découvrir le bruit d’abord, avec le son
assourdissant de la musique, présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre,
le claquement sec des armes, le crépitement inattendu des feux d’artifice
qui ne fêtent pas Noël mais la nouvelle de l’arrivée sans encombre
aux Etats-Unis d’une livraison de drogue. Le langage enfin, qu’il
ne comprend plus, lui qui fut en son temps le plus grand grammairien
du pays. Puis il va s’imprégner des odeurs, celles des détritus,
celle de l’extrême pauvreté et par dessus tout, celle du sang, de
la mort et de la pourriture. Si autrefois « on tuait à la machette »,
aujourd’hui, ce sont les armes qui parlent. Comme tous les adolescents
originaires de quartiers rivaux, Alexis porte une arme à la ceinture,
défend sa vie et tire sur tout ce et ceux qui le gênent un tant
soit peu, sans états d’âme. Cependant, paradoxe surprenant, ce jeune
homme très croyant refusera d’achever de sang froid un chien accidenté
pour abréger ses souffrances. Avec Alexis qu’il ne pourra protéger
de cette violence, puis avec Vilmar, le double de l'adolescent,
Fernando vivra ce retour comme une lente et inexorable descente
aux enfers.
Barbet Schroeder s’est inspiré du roman en partie autobiographique
de Fernando Vallejo qui a lui-même écrit le scénario. Ils ont écarté
les monologues politico-moraux et le côté pamphlétaire du roman
pour insister sur les relations amoureuses de l’homme mûr et de
l’adolescent face à Medellin, personnage à part entière, qui, de
la ville paradisiaque de l’enfance de l’écrivain est devenue l’antichambre
de l’enfer. Medellin, quartier général de la drogue, où l’enlèvement
est devenu une institution, ou l’horreur de la violence quotidienne
a rendu ses habitants insensibles. La ville est aujourd’hui composée
d’une société pleine de contradictions ou le machisme est contrebalancé
par le culte de la mère, ou le fanatisme religieux est effacé par
l’instinct du meurtre, ou la vie n’a plus aucune valeur ni aucun
sens. La grande force du réalisateur est de ne pas caricaturer,
de ne pas moraliser mais de décrire simplement ce que l’on voit
chaque jour. On ressort horrifiés, avec le vain espoir qu’il ne
pourrait s’agir que d’une fiction. Lien: www.cinemas-de-recherche.org/films_soutenus/vierge.htm
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