UN
FILM PARLE
Article
publié dans la Lettre n° 219
UN FILM PARLÉ. Film luso-franco-italien
de Manoel de Oliveira avec Leonor Silveira, John Malkovich, Catherine
Deneuve, Irène Papas, Stefania Sandrelli (2003-couleurs-1h40).
Professeur à l’université de Lisbonne, Rosa María part pour Bombay,
rejoindre son mari, commandant de bord, pour les vacances. Accompagnée
de María Joana, sa petite fille de huit ans, elle a décidé de faire
le voyage en bateau afin de découvrir les lieux étudiés dans les
livres et évoqués dans ses cours mais qu’elle n’a jamais eu l'opportunité
de visiter. C’est aussi l’occasion d’initier sa fille aux différentes
civilisations qui ont fait ce que nous sommes aujourd’hui. Si pour
la mère ce voyage est la confirmation visuelle de sa culture personnelle,
pour María Joana qui aime apprendre, il s’agit d’une initiation
à l’histoire si concrète qu’aucun livre ne pourra jamais l'égaler.
Main dans la main, mère et fille foulent donc le sol de Marseille,
Naples, Pompéi, Athènes, Istanbul, Alexandrie puis le Caire et Aden.
Sur le paquebot, le commandant de bord a invité trois femmes à sa
table, une française, femme d’affaires, une italienne, ancien mannequin
et une grecque, actrice et professeur de chant. Chacun s’exprime
dans sa propre langue et chose curieuse, telle une tour de Babel
parfaite, tous se comprennent. Rosa María connaît les trois femmes
pour les avoir vues dans les magazines ou à la télévision aussi
accepte-t-elle de se joindre à elles, à la table du commandant,
le temps d’une soirée.
Malgré son grand âge, Manoel de Oliveira ne laisse pas de surprendre.
De film en film, grâce à son expérience et à sa grande culture,
il affine et approfondit sa pensée sur la vie et le devenir de notre
planète. Un film parlé est une synthèse de son savoir et
une réflexion personnelle sur notre civilisation, un voyage initiatique
au cœur de l’histoire des civilisations occidentales et de leur
culture, sur les valeurs de convergence entre les religions d’occident
et d’orient qui forgèrent siècle après siècle ce que nous sommes
aujourd’hui. Malgré une interprétation surprenante sur la construction
des pyramides égyptiennes, c’est un périple passionnant qu’il nous
propose. La conversation animée des personnages autour d’un dîner
convivial sur la vie, sur les différentes langues et cultures et
sur la politique est une synthèse pédagogique efficace: « la politique
fait la civilisation, la civilisation fait l’histoire ».
Face à cette mère détentrice d’un savoir, la fillette est à la fois
la réceptrice d’une culture et le symbole d’un futur. Manoel de
Oliveira achève son œuvre par une réponse pessimiste à une interrogation
fondamentale: quel est le devenir de cette petite fille dans la
violence du monde actuel? Une question que tout un chacun devrait
méditer, un film que les jeunes en particulier ne devraient en aucun
cas manquer.
Retour
à l'index des films
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction
|