TOUT S'ACCÉLÈRE
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Lettre n° 395
du 11 avril 2016
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TOUT S’ACCÉLÈRE. Documentaire de Gilles Vernet avec Nicole Aubert, Jean-Louis Beffa, Nicolas Hulot, Etienne Klein, Hartmut Rosa, Gilles Vernet et les élèves de CM2 d’un collège parisien (France - 2016 - couleur - 1h21).
Ancien trader, voyageant sans cesse, Gilles Vernet a tout quitté en 2001 lorsqu’il a appris que sa mère était malade. Il s’est alors lancé, entre autres, dans une carrière d’instituteur. Il enseigne en CM1 ou CM2 dans un collège du XIXe arrondissement de Paris. Passionné par la question du temps et du développement exponentielle, comme Hartmut Rosa, auteur du livre Accélération, l’un des intervenants du film, il s’est rendu compte que ses élèves se posaient les mêmes questions et a donc décidé de les filmer durant ces échanges sur le temps.
Les réflexions de ces enfants, multiculturels et plutôt doués, sont pleines de bon sens. Il leur est évident que l’on ne peut pas imaginer une croissance qui ne se terminerait jamais. En voyant ces courbes de la croissance, de l’espérance de vie ou de la population qui, après une longue période de quasi-stagnation, montent d’une manière exponentielle, presqu’à la verticale en quelques décennies, les enfants pensent que « nous allons dans le mur », comme ces courbes ! De même, ils comprennent très bien que comme ces bactéries qui, se dédoublant chaque minute, finissent par occuper tout l’espace dont elles disposaient, l’humanité ne pourra pas croître à l’infini dans un monde fini. Les réflexions sont variées, tant en classe que lors des sorties et toujours intéressantes. Ne dit-on pas que « la vérité sort de la bouche des enfants » ?
Gilles Vernet a montré ces images à différents experts, en environnement (Nicolas Hulot), en physique et philosophie (Etienne Klein), en psychologie et sociologie (Nicole Aubert), en économie (Jean-Louis Beffa, président d’honneur de Saint-Gobain) et en sociologie et philosophie (Hartmut Rosa).
Tous montrent que nous sommes pris dans un engrenage. La technologie ne nous sert pas à gagner du temps mais nous conduit à faire de plus en plus de choses dans la même période. Finalement nous n’avons plus assez de temps, même pour faire ce qui est essentiel et qui, au fond, ne l’est peut-être pas ! Pourquoi vouloir accumuler plus de choses, plus d’argent, que l’on n’utilisera pas ? Pourquoi les élites se doivent-elles aujourd’hui de toujours en faire plus pour continuer à dominer les autres alors que cela ne leur sert à rien, puisque tous leurs besoins sont satisfaits pour toute leur vie ? Les intervenants, chacun dans son domaine, expliquent très bien ce phénomène d’accélération, qui aura nécessairement une fin, y compris la fin de l’humanité. En revanche, la solution pour en sortir au plus tôt n’émerge pas et l’on voit confusément que c’est à ces enfants qu’il appartiendra de trouver la solution car il en ira de leur vie ou de celles de leurs propres enfants.
Le montage du film fait alterner les séquences avec les enfants avec les interviews des cinq intervenants et des scènes prises en ville, dans des usines ou dans la nature. Les plans de piétons ou de voitures filmés en accéléré sont assez convenus pour un tel sujet, mais les vues de la nature, en longs plans fixes sont magnifiques. La séquence sur Dubaï Marina avec son métro ultra-moderne, ses centaines de tours d’habitation, dont plusieurs dépassent les trois cents mètres, est également une bonne illustration du propos quand on sait qu’il n’a fallu que sept ans pour réaliser cette nouvelle ville entre la mer et le désert. Un documentaire passionnant, qui rassurera ceux qui ne parviennent pas à faire tout ce qu’ils ont programmé. Il conviendrait de le projeter dans toutes les écoles, pour que les jeunes générations mettent fin à cette accélération qui ronge nos vies. R.P. En salles à partir du 20 avril 2016.
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