TIRESIA
Article
publié dans la Lettre n° 219
TIRESIA. Film franco-canadien de Bertrand
Bonello avec Laurent Lucas, Clara Choveaux, Thiago Telès, Célia
Catalifo, Lou Castel (2003-couleurs-1h55).
Tiresia, un transsexuel brésilien est attiré puis séquestré dans
un pavillon de banlieue par Terranova, un psychopathe. Huis-clos
angoissant pour ce jeune homme dont toute la jeune vie a jusqu’ici
été tournée vers un seul objectif, sa lente transformation physique
et psychique qui lui renvoient aujourd’hui le reflet d’une belle
jeune femme. Que lui veut cet homme calme et froid qui contemple
sans le toucher son corps d’Aphrodite? Mais les jours passant, manquant
d’hormones, Tiresia regarde sa beauté équivoque tendre de nouveau
vers cette masculinité qui le désespère.Terranova considère lui
aussi cette beauté qui se fane et qui ne correspond plus à l’idéal
auquel il aspirait: « l’original est vulgaire, une tentative et
la copie est parfaite ». La copie échappe à sa quête d’absolu. La
violence de sa réaction est à la hauteur de sa déception: il crève
les yeux de Tiresia et l’abandonne en pleine campagne dans un chemin
creux.
Recueilli par Anna, une jeune fille pure, Tiresia devenu aveugle,
passe du désespoir à l’acceptation. Rendu à sa fonction première,
masculine, il va se découvrir un don de prémonition. Mais ses prédictions,
qui attirent de nombreux visiteurs en quête d'espoir, gênent l’Eglise
et le père François en particulier: « A moi, ils ne confient que
leur quotidien, à Tiresia ils lui ont confié leur âme ». Sous les
traits du prêtre se dessinent ceux de Terranova. Terranova et lui
ne font qu’un, tournés vers un absolu impossible à atteindre. Le
père devra, lui aussi, recourir à la violence.
Inspiré d’un mythe grec, le film de Bertrand Bonello soulève de
nombreux problèmes: le regard sur soi, la quête de la beauté, d’un
absolu inaccessible, le double jeu de l’original et de sa copie.
Son film est une œuvre d’art tant par la profondeur du sujet traité
que par la beauté esthétique qui le caractérise, un travail impressionnant
sur la mise en scène, sur le cadrage des personnages et le contraste
des couleurs. L’opposition entre l’enfermement de la première partie
et celui volontairement extérieur de la seconde, permet de traduire
la lente retransformation tant physique que psychique du personnage
de Tiresia, interprété de façon étonnante par une Clara Choveaux
équivoque, puis par Thiago Telès, remarquable oracle à la merci
d’un destin incontrôlable. Un film captivant parce qu’il mêle savamment
la beauté et la laideur, tant physique que morale.
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