LA TERRE ET L’OMBRE
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Lettre n° 391
du 18 janvier 2016
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LA TERRE ET L’OMBRE. Drame colombien de César Acevedo avec Haimer Leal, Hilda Ruiz, Edison Raigosa, Marleyda Soto, José Felipe Cárdenas (2015 - couleurs - 1h37).
Il avait quitté sa femme et son fils il y a une quinzaine d’années. Aujourd’hui Alfonso (Haimer Leal) revient au pays, au chevet de son fils malade. Sa maison a bien changé. L’écurie est vide. Des champs de cannes à sucre s’étendent à perte de vue tout autour de la maison. Leur exploitation provoque une pluie de cendres quasi continue à la saison du brulage, obligeant les habitants à rester cloitrer chez eux. Il est accueilli par Manuel, son petit-fils, et par Esperanza (Marleyda Soto), sa belle-fille, qu’il ne connaissait pas. C’est elle qui lui a téléphoné. Gerardo, son fils, est étendu sur son lit, dans la pénombre pour éviter les cendres qui attaquent ses poumons. Alicia (Hilda Ruiz), celle qui fut sa femme, se contente de lui dire ce qu’il doit faire dans la maison en leur absence.
Comment en est-on arrivé là ? Alfonso pense qu’il vaudrait mieux quitter cet endroit inhospitalier et dangereux pour la santé de son fils. Sa belle-fille le souhaite aussi. Mais Alicia refuse d’abandonner une maison qu’elle a eu tant de mal à conserver face aux exploitants de cannes à sucre et Gerardo ne veut pas laisser sa mère seule.
Le réalisateur s’est inspiré de sa propre histoire pour écrire ce premier long métrage : «Quand j’ai commencé à écrire le scénario, ma mère était morte, mon père n’était qu’un fantôme et, puisque je n’arrivais pas à raviver mes souvenirs, j’avais l’impression d’avoir perdu mes parents pour toujours. J’ai ressenti le besoin de faire un film qui me permettrait de retrouver les deux personnes les plus importantes de ma vie, à travers le langage de cinéma.» Les sentiments des personnages et leur évolution sont très bien exprimés, avec finesse, sans jugement. Chacun fait ce qu’il estime devoir faire. Les interprètes, non professionnels, sauf les deux actrices, jouent avec retenue et sont très convaincants.
Mais le film ne se borne pas à raconter une histoire de famille, loin de là. Le sujet est situé dans la vallée du Cauca, en Colombie, une région dont l’économie dépend principalement de l’industrie sucrière. César Acevedo, originaire de là, nous fait partager la vie de ces ouvriers qui coupent les cannes à la machette, attendent des semaines une paye toujours repoussée au lendemain, n'ont pratiquement pas accès aux soins quand ils sont malades et n'ont pour alternative qu'un futur incertain ou l’exil. Les deux femmes partagent bien évidemment leur sort. Comment vivre autrement ? Mais leur rendement est insuffisant. En quelques séquences, le réalisateur nous fait toucher du doigt ce qu’est la vie dans cette vallée, encore à notre époque.
Entre une vieille femme qui s’accroche à sa maison, un homme qui meurt, une femme qui souhaite quitter cet enfer pour sauver sa famille, il y a un enfant, témoin de tout cela. Il découvre un grand père qui prend soin de lui, lui explique comment faire un perchoir pour les oiseaux ou jouer au cerf-volant et bien d’autres choses encore. Ce film admirable, tourné en longs plans-séquences, est bouleversant de vérité. Il a obtenu la Caméra d’or à Cannes l’année dernière, une récompense bien méritée. R.P. En salles à partir du 3 février 2016.
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