LA SOCIOLOGUE ET L'OURSON

Article publié exclusivement sur le site Internet, après la Lettre n° 394
du 21 mars 2016


 

LA SOCIOLOGUE ET L’OURSON. Documentaire d’Etienne Chaillou et Mathias Théry avec Irène Théry (France - 2015 - couleur - 1h17).
Le titre évoque un film pour les enfants mais, s’il disserte beaucoup sur les enfants, il ne leur est pas destiné. Les deux réalisateurs, qui travaillent ensemble depuis la fin de leurs études cinématographiques, ont voulu réaliser un film sur le projet de loi relatif au mariage de personnes de même sexe. La mère de Mathias Théry étant la sociologue bien connue Irène Théry, spécialiste depuis trente ans du droit de la famille, des familles recomposées, de la PMA et des métamorphoses de la filiation, les réalisateurs savaient que cette loi pouvait être le sujet d’un film. Les évènements allaient leur donner raison bien au-delà de leurs espérances car, de septembre 2012, avec l’annonce des grandes lignes du projet dans la presse, à mai 2013, avec la promulgation de la loi et le premier mariage entre gens de même sexe, les débats allaient faire rage, tant dans les hémicycles, qu’au sein des trois religions monothéistes et surtout dans la rue avec de grandes manifestations en faveur ou contre cette loi.
Comment raconter tout cela de manière à la fois ludique et sérieuse ? En effet, comme le dit Irène Théry : « Le problème des économistes, c’est que les gens croient qu’ils ne pourront jamais rien comprendre à l’économie. Celui des sociologues de la famille, c’est que les gens croient qu’ils ont déjà tout compris d’avance à la famille, juste parce qu’ils en ont une ». Et c’est vrai qu’au fil des discussions entre la mère et son fils, on comprend que les problèmes soulevés par cette loi pour « le mariage pour tous » sont multiples, variés et très complexes.
Pendant ces neuf mois, les réalisateurs suivent Irène Théry dans les ministères, dans les manifestations et sur les plateaux de télévision. Ils filment également ce qui se passe à l’assemblée et dans la rue. Mathias passe aussi de longues heures avec sa mère, en face en face ou au téléphone. La réticence d’Irène Théry à apparaître comme la « vedette » de ce film et le fait d’avoir des conversations téléphoniques ont donné aux réalisateurs l’idée de faire interpréter ces dialogues par des peluches. Ces ours qui discutent entre eux de sujets très graves, comme la PMA ou la GPA, rendent ces sujets plus distrayants, tout en ne mettant pas directement en scène la sociologue. Une grande partie du film est ainsi faite dans des décors bricolés avec des objets anodins et banals illustrant les propos de la sociologue. On comprend que le débat public a largement débordé le cadre d’une loi qui excluait l’accès à la PMA pour les couples de femmes en s’emparant non seulement de cette PMA mais aussi de la gestation pour autrui, sujet autrement plus délicat et controversé. Spécialiste de ces questions, Irène Théry nous livre les clés du problème et des arguments inattendus en faveur de l’une et de l’autre.
Un film très intéressant, intelligemment fait, même si parfois le débat devient confus, comme il le fut durant ces neuf mois qui mirent une partie des français dans la rue. R.P. En salles à partir du 6 avril 2016.


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