SOBIBOR, 14 octobre 1943, 16 heures

Article publié dans la Lettre n° 191


SOBIBOR, 14 OCTOBRE 1943, 16 HEURES. Documentaire français de Claude Lanzmann (1979 / 2001-couleurs-1h40).
Avant ce 14 octobre 1943, Yehuda Lerner n’avait jamais tué personne. Il venait d’avoir 17 ans. Séparé de sa famille lors de la dispersion des juifs du ghetto de Varsovie, il avait successivement échoué dans huit camps de travail dont il s’était à chaque fois échappé. Chaque fois repris, contre toute attente, il n’avait pas été pendu ou fusillé suivant le sort de tout fugitif, mais placé dans un autre lieu avec son copain de cavale. Sobibor, était l'antichambre de la mort. A l’ultime gare avant l’arrivée, un ouvrier l’avait prévenu: du camp d’extermination de Sobibor, personne n'en réchappait. Pourquoi cette fois-ci ne s’est-il pas sauvé, profitant de l’arrêt du train? Il ne se l’explique pas. Lui et les autres prisonniers n’ont pas cru à cette mise en garde. Mais peut-être était-il sans le savoir investi de la mission de contribuer à l’effacement définitif de la carte de ce camp de la mort.
Claude Lanzmann, un professionnel du génocide des juifs durant la seconde guerre mondiale, évoque aujourd’hui l’entretien qu’il a eu avec Yehuda Lerner en 1979 lors du tournage de Shoah, sous forme d’un témoignage filmé. Aujourd’hui assis devant la caméra, Yehuda Lerner raconte la révolte des prisonniers, menée à Sobibor par Alexander Petchersky, prisonnier de guerre juif de l’Armée Rouge, contre les trente soldats nazis et une troupe d’ukrainiens qui les gardaient. Il raconte minutieusement l’organisation des lieux, la topographie, le plan minuté de l’attaque, établi en fonction de la ponctualité légendaire des allemands, la tuerie, la fuite et au bout, la liberté. Nulle émotion apparente sur ce visage au regard clair, nulle inflexion dans le rythme implacable de la voix qui témoigne. Seule l’assurance d’un homme qui a tué, certes dans des conditions effroyables, mais qui reste certain d’avoir commis ce qu’il devait commettre pour stopper l’horreur.
Entre 1942 et 1943, date de la disparition de Sobibor, effacé de la carte en quelques jours par les autorités allemandes, 250 000 juifs provenant de toute l’Europe, ont échoué dans cet enfer. Aucun n’en est revenu. Seul Yehuda Lerner peut encore témoigner. Loin de tous les pièges de l’émotion, l'expression de sa détermination et de son courage sont la grande force de ce documentaire. Lien:
www.marsfilms.com


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