SELON
MATTHIEU
Article
publié dans la Lettre n° 181
SELON MATTHIEU.
Film français de Xavier Beauvois avec Benoît Magimel, Nathalie Baye,
Antoine Chappey (2000-couleurs-1h40).
A la chasse, tout le monde se retrouve, sans distinction de classe,
patrons, ouvriers, petits employés, tous complices face à la même
passion. Même la silhouette fugitive de la femme du patron, venue
à la fin de la partie rejoindre son chasseur de mari, confirme cette
connivence. Xavier Beauvois sait planter ses décors, créer ses atmosphères.
Il exploite aussi bien les superbes paysages normands de cette fin
d’automne tout comme les rites et coutumes de ce vrai et traditionnel
mariage cauchois qui, là aussi, réunit famille et copains. Cette
journée qui aurait pu être belle, est sinistre pour Francis. Il
marie son fils aîné, Eric, mais vient de recevoir sa lettre de licenciement
pour faute grave: il a fumé sur son plan de travail, ce qui est
interdit et passible de renvoi, si l’on en juge la note de service
affichée, suite au nouveau contrat d’assurance draconien. Il travaille
dans cette usine depuis trente ans, ses deux fils, Eric et Matthieu
l’y ont rejoint. Blessé dans tout son être, la mort l’emportera
quelques jours plus tard dans un accident de la circulation. Inattention
ou suicide, la perte est irréparable pour la famille. Matthieu réagit
avec la fougue de son jeune âge. Tout d’abord auprès du D.R.H. inflexible,
puis face aux représentants des syndicats et aux collègues qui ne
le suivront pas sur le terrain de la révolte. La faute n’est pas
défendable, même devant les Prud’hommes. Alors, fou de rage et de
haine, il reste à Matthieu l’ultime solution: « baiser la femme
du patron pour baiser le patronat ». Mais la vie des autres n’est
pas toujours ce que l’on croit. Claire, la bourge friquée qui joue
au casino les bénéfices de l’usine et qui va se payer le luxe de
s’offrir les caresses d’un petit jeune, n’est pas du tout ce qu’il
croyait. Qui sera pris qui croyait prendre.
Après Nord et N’oublie pas que tu vas mourir, Xavier
Beauvois trouve avec ce troisième film une certaine maturité, même
si la violence perce encore chez ce réalisateur frondeur et engagé.
Ce n’est peut-être pas un hasard s’il a choisi le lieu de l’intrigue
dans les environs du Havre qui fut longtemps le fief du communisme
pur et dur, où la haine du patron et du riche s’apprenait au berceau.
Mais la peinture qu’il brosse de ses personnages montre une évolution
certaine dans sa vision du monde qui l’entoure. Benoît Magimel trouve
ici un rôle à sa mesure, Matthieu déroutant, que les épreuves vont
obliger à réviser les idées préconçues. Nathalie Baye s’impose de
façon superbe dans le rôle très ingrat de Claire, bourgeoise, certes,
mais assez consciente des réalités et des changements économiques
et sociaux de son pays et du reste du monde pour attraper au vol
le meilleur de la vie avant qu’il ne soit trop tard.
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