LE
RETOUR
Article
publié dans la Lettre n° 221
LE RETOUR. Film russe de Andreï Zviaguintsev
avec Vladimir Garine, Ivan Dobronravov, Konstanti Lavronenko (2003-couleurs-1h45).
Un dimanche, après quelques heures passées avec leurs copains, Andreï,
15 ans, et Ivan, 11 ans, rentrent à la maison. Leur mère les accueille
avec une nouvelle qui les stupéfie: «Votre père est rentré». De
leur géniteur parti depuis une dizaine d’année, Andreï et Ivan ne
savent rien. Ils ont passé leur enfance avec leur mère et leur grand-mère
et n’ont aucun souvenir de lui. Seule une photo jaunie leur permettait
de voir à quoi il ressemblait. Pourquoi ce départ, pourquoi ce retour?
Ces questions qui brûlent les lèvres des deux enfants restent sans
réponse. Le père, au mutisme ombrageux, décide seulement de les
emmener trois jours à la pêche. Veut-il rattraper le temps perdu,
apprendre à connaître ses fils, leur donner une éducation plus virile?
Les enfants n’en sauront rien. S’en suit un périple étrange vers
les lacs et les forêts du nord, ponctué par les parties de pêche,
le montage et le démontage de la tente, la préparation des repas
sur un feu de bois, les courses effrénées pour regagner la voiture
sous la pluie battante. Si l’aîné est prêt à recevoir l’affection
de son père qui lui a tant manqué, Ivan se rebiffe contre cet homme
énigmatique qui ne tolère aucun écart, aucune question. Les trois
jours passés, au lieu de rentrer, il les embarque vers une île déserte,
qu’il semble bien connaître. Mais un drame inattendu laissera Ivan
et Andreï avec toutes leurs interrogations et leur vie à jamais
bouleversée.
Lion d’Or à la 60e Mostra de Venise, ce premier long métrage
rappelle l’esthétisme et le mystère des films d’Antonioni, «cinéaste
de la solitude», dont le réalisateur ne cache pas l’influence. L’effacement
du réel interdit de comprendre les actes et la personnalité de ce
père dont on ne devinera rien. On demeure à la fois charmé et frustré
de rester avec tant de questions en suspens. Reste des images superbes
mais glacées, des moments intenses d’affection ou d’affrontement,
où chacun tente de percer la carapace de l’incommunicabilité. Reste
trois personnages, dont les rôles sont tenus par trois excellents
comédiens, mais dont les quelques jours de vie relatés, dépassent
les frontières russes car ils pourraient appartenir à n’importe
quelle famille de n’importe quel pays. Lien: www.ocean-films.com/leretour/
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