RED ROSE

Article publié exclusivement sur le site Internet, après la Lettre n° 384
du 15 juin 2015


 

RED ROSE. Drame de Sepideh Farsi avec Mina Kavani, Vassilis Koukalani, Shabnam Tolouei (France, Grèce, Iran, couleurs, 2014, 1h27).
Comment raconter l'élection présidentielle usurpée de 2009 en Iran quand on est exilé et que l'on ne peut plus retourner dans son pays ? C'est à cette question que la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi, dont c'est le cinquième long métrage, et son coscénariste Javad Djavahery ont répondu avec ce film.
En 1979, sous la poussée d'un mouvement populaire, le Chah tombe et Khomeini, porté au pouvoir, s'arroge peu à peu les pleins pouvoirs. En 2009, Mahmoud Ahmadinejad se présente pour un deuxième mandat. La participation des électeurs est massive, 85%, et Mir Hossein Moussavi est donné gagnant par tous les sondages sortis des urnes et même par des gens du ministère de l'intérieur, jusqu'à ce que la télévision iranienne annonce, vers 23h00, les résultats « officiels », donnant Ahmadinejad vainqueur avec 63 % des suffrages. Le soir même, la fureur est générale dans toutes les villes, et la couleur verte, couleur de campagne de Moussavi, devient le symbole de cette révolte, réprimée dans le sang au cours des mois suivants. Les manifestants crient « Où est mon vote ? ». Moussavi, comme Medhi Karoubi, autre candidat, sont assignés à résidence surveillée. Ils le sont toujours.
Red Rose raconte cette révolte à travers Sara qui, avec quatre autres jeunes poursuivis par les bassidjis, ces gardiens de la révolution, se réfugie dans un appartement dont la porte est ouverte. Ils sont accueillis sans mot dire par le propriétaire des lieux, jusqu'au départ de leurs poursuivants, et s'en vont. Peu après Sara, qui a « oublié » son portable, vient le rechercher et tente de percer le mystère de cet homme de cinquante ans, Ali, qui vit reclus chez lui, apparemment indifférent à ce qui se passe dans la rue. Petit à petit, Sara, s'incruste dans cet appartement et noue une liaison avec Ali.
Les contacts avec l'extérieur ne se font qu'avec l'arrivée d'autres personnes : un livreur, une amie avec laquelle Ali avait fait la révolution en 1979, un agent immobilier qui vient faire visiter l'appartement à un acheteur potentiel et avec Internet et les réseaux sociaux, en particulier Twitter, qui avait permis au monde entier de savoir ce qui se passait en Iran, la presse étrangère étant interdite durant ces manifestations. Nous revoyons ces images d'époque, prises avec des téléphones portables, montrant la foule immense dans les rues et les représailles violentes contre les manifestants. Mais tout a une fin, y compris la réclusion volontaire dans laquelle vit Ali, rattrapé par son passé et les démons d'aujourd'hui.
C'était un pari osé de confronter des images d'archives et une relation amoureuse avec des scènes d'amour explicites se déroulant en Iran, où toute représentation du corps féminin non couvert est interdite et passible de prison. En tournant ce film à Athènes, la réalisatrice a contourné cet obstacle mais s'interdit, comme ses comédiens, tout retour dans son pays, tant que le régime des mollahs sera au pouvoir.
Ce film intelligent, à la mise en scène astucieuse, a obtenu les trois principaux prix au festival de Marrakech. Les interprètes sont excellents et malgré le huis clos, le film est captivant. R.P. En salles à partir du 9 septembre 2015.


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