RACHIDA
Article
publié dans la Lettre n° 209
RACHIDA. Film algérien de Yamina Bachir-Chouikh
avec Ibtissen Djouadi, Bahia Rachedi, Rachida Messaouden (2002-couleurs-1h40).
Rachida, la vingtaine resplendissante, est enseignante dans un lycée
d’Alger. Elle vit seule avec sa mère et si elle subit les désagréments
inhérents à une situation politique explosive, elle n’a pas encore
été touchée. Comme toutes les jeunes filles de sa génération, elle
vit avec son temps, tout en respectant les coutumes, mais elle ne
prie pas et ne porte pas le voile, aime se maquiller et s’habiller
à la mode. Un jour, sur le chemin de l’école, surgit Sofiane, un
ancien élève, accompagné de plusieurs jeunes, qui la somme de déposer
à l’école la bombe qu’il lui tend. Son refus lui vaut une balle
dans le ventre. Miraculeusement sauvée, Rachida se remet très mal
psychologiquement de cet attentat. Sa directrice décide alors de
mettre à sa disposition une maison qu’elle possède à la campagne
et s’occupe de sa mutation. La mère et la fille s’installent avec
l’espoir de reprendre le cours d’une existence plus paisible. En
poste à l’école du village, Rachida s’attache aux enfants dont elle
a la charge, en particulier à Kalima, une fillette qui rêve d’aller
dans la lune et dont le père est intégriste. Mais la violence est
là, quotidienne, pire qu’à Alger. L’irruption d’une bande de terroristes
soutenus par l’épicier du coin, les faux barrages, les pillages,
l’enlèvement et le viol des jeunes filles, l’attaque meurtrière
d’une noce, vont les jeter dans une terreur de tous les instants.
Ces épisodes dramatiques sont entrecoupés de scènes amusantes, comme
cet amoureux éconduit par un père ombrageux et qui passe son temps
au téléphone, ou romantiques, comme l’escapade à la plage de Rachida
et de son fiancé, lors d’une brève incursion à Alger.
Yamina Bachir-Chouikh exprime avec ce premier long métrage toute
sa rage mêlée d’impuissance. Ecartant manichéisme et caricature,
évitant de porter un jugement tant politique que social, elle dresse
un constat tragique de l’état de son pays et si elle célèbre l’intelligence,
le courage, l’esprit d’entreprise, la solidarité mutuelle des femmes,
c’est un portrait sévère qu’elle brosse des hommes dont elle met
en relief la bêtise, la lâcheté, la soif de domination, leur incapacité
à se débarrasser de leurs préjugés et de leur mépris pour les femmes
dont ils se servent pour palier, entre autres, à une paresse endémique.
Même s’il reste une fiction, son film est inspiré de situations
réelles, vécues au quotidien. Dans la réalité, la jeune institutrice
est morte dans l’explosion de la bombe. Son témoignage met en avant
la terreur mais aussi l’obscurantisme subis par trois générations
de femmes, Rachida, sa mère, et Kalima. Si la fillette représente
l’Algérie de demain avec toutes ses interrogations, Rachida représente
la jeune femme moderne qui mène un combat pour la liberté, pour
que sa mère, répudiée parce qu’elle a refusé la deuxième épouse
que voulait lui imposer son mari, ne soit plus considérée comme
une paria mais aussi afin qu’une jeune fille du village, enlevée
et violée, parvenant à échapper à ses bourreaux, ne soit plus abandonnée
par sa famille qui se considère déshonorée. Rachida se verra reprocher
par une collègue de ne pas porter le hidjab. Elle lui répondra cette
phrase inscrite dans le Coran: « Dieu est miséricordieux et clément,
mais il sait aussi châtier ceux qui se substituent à lui », faisant
ainsi la différence entre intégrisme et islamisme. Yamina Bachir-Chouikh
a lutté cinq ans pour que son film voie le jour. Il est dédié à
son frère, victime de cette violence et à Zakia Guassab, la jeune
institutrice dont elle s’est inspirée. Lien: www.filmsduparadoxe.com/rachida
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