PROFILS
PAYSANS
Chapitre II : le quotidien
Article
publié dans la Lettre n° 240
PROFILS PAYSANS. Chapitre II: LE QUOTIDIEN.
Documentaire français de Raymond Depardon (2004-couleurs-1h25).
Qu’il plante sa caméra en Afrique, dans un commissariat ou dans
une salle d’audience, Raymond Depardon reste le grand réalisateur
de documentaires aux sujets toujours passionnants. En 2001, il revenait
à ses racines paysannes en tournant l’Approche, le premier volet
de sa trilogie, Profils paysans. Ce premier documentaire,
de nouveau à l’affiche, est accompagné du second volet: le Quotidien,
une nouvelle immersion dans les régions de moyenne montagne de l’Ardèche,
de la Lozère et de la Haute Loire. Ses comédiens, qu’il filme sur
le vif, tout entier occupés à leur vie de tous les jours, ce sont
les paysans, les vrais, bien loin de l’agriculteur aux multiples
hectares de blé ou aux neuf cents vaches qui jonglent avec chiffres
et haute technologie. Le paysan de Depardon, c’est celui qui vend
sa ferme faute de repreneur parmi les siens. C’est aussi Marcel,
berger en Lozère, qui continue de conduire ses quelques brebis,
malgré son glaucome. C'est Paul Argot au Frésinet, avare de paroles,
qui trait ses huit vaches et ses deux veaux, la cigarette au bord
des lèvres, dans l’étable contigüe à la cuisine. Ici ou là,
pas de trayeuse électrique, encore moins de moissonneuse batteuse
clinquante mais des mains calleuses au contact des pis ou la bonne
vieille batteuse qui défiant le temps, continue de rendre ses bons
et loyaux services.
Il y a ceux qui, comme Paulette et Robert, ont sauté le pas et vendu
leur ferme, taraudés par les soucis, ceux qui ont acheté, comme
Amandine et Michel, vingt ans, un bébé en route et signant vaillamment
un prêt dont la dernière échéance viendra en 2026! A Lermey, Nathalie
et Jean-François, tout jeunes eux aussi, sont les derniers habitants,
le village n’abrite désormais que les résidences secondaires des
enfants et petits-enfants des paysans, devenus citadins. Le volet
se referme provisoirement sur Alain, quarante-neuf ans: n’en pouvant
plus de solitude, il s’est trouvé « une femme du nord » en passant
une annonce dans Le Chasseur Français et l’attend, l’espoir
au coeur, elle et ses deux enfants. Espoir aussi pour Depardon:
il aurait bien voulu refermer ce volet par un mariage, ce sera pour
la prochaine fois.
Modestement, derrière sa caméra, il risque une question puis une
autre, à l’écoute de ces hommes et de ces femmes d’un monde en perdition,
déjà même peut-être oublié, auquel il rend hommage. De vraies vedettes
sans le savoir comme Marcelle, quatre-vingt sept ans, soixante ans
dans sa maison, qui répond à une promeneuse demandant pourquoi la
caméra la filme: « parce que vous êtes là ». On ne peut être plus
simple.
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