PARLE
AVEC ELLE
Article
publié dans la Lettre n° 199
PARLE
AVEC ELLE. Film espagnol
de Pedro Almodóvar avec Javier Camara, Dario Grandinetti, Leonor
Walting, Rosario Flores, Mariola Fuentes (2002-couleurs-1h50).
Sur scène, deux femmes en souffrance. Elles dansent Café Müller,
de et avec Pina Bauschs. Dans la salle, deux hommes regardent, bouleversés.
Benigno, aide-soignant dans une clinique privée, est venu voir ce
ballet pour le raconter en détail à Alicia, une jeune patiente dans
le coma, persuadé qu’elle l’entend. La vie d’Alicia, danseuse pleine
d’avenir, s’est arrêtée il y a quatre ans, à la suite d’un accident.
A la dérobée, il observe un spectateur, Marco, parce qu’il remarque
une larme couler de temps en temps sur ses joues. Celui-ci, écrivain
spécialisé dans les guides touristiques, se remet mal d’une rupture.
Il fait aussi des interviews. A ce titre, il cherche à rencontrer
Lydia, une torera. Fille de torero, le prénom que lui a donné
son père est tout un symbole. Il l’a même poussée vers cet art mortel,
domaine jusqu’à présent exclusivement réservé aux hommes. Marco
et Lydia vont vivre un début d’histoire avant l’accident prévisible
lors d’une corrida. En se rendant à l’hôpital, veiller Lydia dans
le coma, Marco rencontre Benigno. Une profonde amitié naît alors
entre eux. Si Marco va perdre Lydia, Benigno ira jusqu’au bout de
son amour, commettant aux yeux de la loi un terrible délit mais
qui réveillera l’objet de sa passion. A la fin, dans le même théâtre,
Marco rencontrera l’amour. Almodóvar pourra alors conclure sur un
autre ballet, avec cette fois-ci un couple et une promesse de bonheur.
Si avec Tout sur ma mère Almodóvar soulignait, à partir d’un
fait médical (le don d’organes), la souffrance des femmes, des mères,
des travestis, avec Parle avec elle, il joint, à partir d’un
autre problème médical ( le coma profond), l’art et le coeur: la
danse, personnage à part entière, et les sentiments des hommes sur
l’amour et l’amitié, et la souffrance qui en découle. Le cinéaste
s’investit totalement dans cette quête de l’âme masculine, l’explorant
dans ses moindres détails, jusqu’à une incroyable audace à la fois
métaphorique et symbolique, lorsqu’il inclut un film muet de son
cru, L’homme qui rétrécit. Merveilleux réalisateur, il gratifie
son public de superbes prises de vue en ralenti, celles sur la corrida
en particulier. La musique d’Alberto Iglesias accompagne sobrement
sa démonstration. Les comédiens sont magnifiques d’émotion contenue
et de sobriété. Si Pedro Almodóvar, l’homme de la Mancha,
confie:« La seule chose que je veux faire, c’est faire des choses
que je veux faire », il ne se bat pas contre des moulins à vent.
Film après film, il se hisse, pour le plus grand bonheur de son
public, au rang des meilleurs réalisateurs contemporains.
Lien: clubcultura.com/clubcine/clubcineastas/almodovar/hableconella/hableconella.htm
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