LES
MOTS BLEUS
Article
publié dans la Lettre n° 241
LES MOTS BLEUS. Film français d’Alain Corneau
avec Sylvie Testud, Sergi Lopez, Camille Gauthier (2004-couleurs-1h55).
Il règne dans la petite maison de Clara un désordre rassurant, cocon
qu’elle a longuement tissé pour elle et sa fille Anna. Si cette
maman exprime son angoisse par son inadaptation au monde qui l’entoure,
sa fille se retranche depuis sa naissance derrière un mutisme complet.
Après une rentrée scolaire désastreuse dans une école primaire,
Clara place sa fille non sans hésitations dans une structure spécialisée
pour sourds-muets. Dubitatif, Vincent, l’éducateur, accepte d’inscrire
dans sa classe cette enfant dont le problème n’est pas comparable
à celui de ceux dont il a la charge. Contre toute attente, Anna
s’adapte très vite, apprend le langage des signes et se fait même
des amis. Elle paraît trouver la sérénité dans ce nouvel environnement
et surtout, les cauchemars dont elle était la proie, lâchent prise
peu à peu. Si la transformation de sa fille la satisfait, Clara
ne parvient toutefois pas à s’en réjouir totalement. Il lui est
difficile de libérer Clara du cocon dans lequel elle l’a enfermée
et exprime cette incapacité par l’agressivité, surtout à l’égard
de Vincent. Celui-ci a compris que les humeurs de Clara cachaient
un traumatisme. Lui-même a vécu un drame à l’âge de dix ans qu’il
n’a pas surmonté. Sa soeur Muriel s’en est apparemment mieux sortie.
Il est vrai que malmenées depuis la nuit des temps, les femmes savent
en général mieux lutter contre la souffrance. Divorcée et mère de
deux enfants, Muriel est très présente dans la vie de Vincent, toujours
disponible pour écouter et consoler son frère. Vincent va tenter
de faire de même pour Clara. Derrière les mots qui mentent se cachent
les mots bleus, ceux qui touchent et qui guérissent.
Adapté du roman de Dominique Mainard, Leur histoire, inspiré
d’un fait réel, Alain Corneau en a exploité toute la sensibilité.
Il connaît parfaitement Sandrine Testud, pour l’avoir dirigée dans
Stupeur et Tremblements, remarquable adaptation du roman
d’Amélie Nothomb. Sa caméra explore avec délicatesse et une infinie
tendresse toutes les expressions du petit visage volontaire de la
comédienne dont le regard pervenche et la mobilité expriment remarquablement
les sentiments contradictoires qui animent un personnage d’une extrême
complexité. Son bilinguisme français et catalan donne de la crédibilité
à Sergi Lopez qui exploite avec talent le rôle de Vincent tout comme
la lumineuse petite Camille Gauthier, Anna au naturel désarmant.
Les prises de vue délicates sur les personnages et la célèbre chanson
de Jean-Michel Jarre interprétée par Christophe, contribuent à mettre
en relief l’émotion permanente, la sensibilité et la subtilité de
ce conte sur le langage et la communication.
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