MOOLAADE
Article
publié dans la Lettre n° 240
MOOLAADE. Film sénégalais de Sembene Ousmane
avec Fatoumata Coulibaly, Maïmouna Hélène Diarra, Salimata Traoré
(2004-couleurs-2h00).
Un village traditionnel africain propret, avec ses cases en pisé
et ses toits de chaumes, ses cours intérieures et ses places, lieux
de palabres infinies, et sa drôle de mosquée, vieille de plus d’un
siècle abrite la vie simple et tranquille d’une petite communauté
apparemment sans histoires. Le puits indispensable est le lieu de
rencontre privilégié des femmes. Sa pompe a été offerte par Ibrahim,
dit France-navet, un enfant du village, parti vers la lointaine
France et qui revient, les poches pleines, pour prendre femme. Dans
l’une des maisons, Collé Ardo a courageusement refusé il y a neuf
ans que sa fille subisse comme elle la « salindé », c’est à dire
l’excision, qui l’a laissée mutilée et inapte à la maternité. Sa
fille Amsotou est promise à Ibrahim mais seulement si elle accepte
l’excision. Si elle persiste à rester une « bilakaro » ni Ibrahim
ni aucun homme n’en voudront. Mais voici que refusant la mutilation,
quatre fillettes se réfugient chez Collé Ardo. Invoquant une coutume
ancestrale, le « moolaade », sorte de droit d’asile, celle-ci décide
de les protéger. Elle s’empare de la corde rouge et jaune afin de
barrer l’entrée du domicile conjugal qu’elle partage avec deux co-épouses.
Cette initiative provoque un véritable scandale. Notables et exciseuses,
abasourdis, exigent que Collé Ardo renonce à sa protection et livre
les fillettes. Mais, la première stupeur passée, sa détermination
et son courage finissent par gagner l’admiration des autres femmes:
la révolte est en marche.
Sembene Ousmane est considéré comme « le père fondateur du cinéma
africain ». Toujours attaché aux problèmes sociaux, il s’attaque
avec ce film au drame aussi tragique qu’épineux de l’excision. Mais
loin de la violence d’un documentaire pamphlétaire, il illustre
joliment son propos grâce à cette chronique de village qui dénonce
un système social hiérarchisé et attardé refusant tout changement
et voit avec effroi l’arrivée du moindre modernisme, source de toutes
les corruptions. Les très belles images et l’interprétation juste
et naturelle des comédiens donnent au film un parfum d’authenticité.
Souhaitons qu’il soit source d’espoir pour des centaines de milliers
de petites filles.
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