MONSIEUR
BATIGNOLE
Article
publié dans la Lettre n° 198
MONSIEUR BATIGNOLE.
Film français de Gérard Jugnot avec Gérard Jugnot, Jules Sitruk,
Michèle Garcia, Jean-Paul Rouve, Alexia Portal (2001-couleurs-1h40).
La Charcuterie Batignole est ce qu’est « Au bon beurre
» de Jean Dutourd à la crémerie. Monsieur Batignole ne rechigne
pas à faire un peu de marché noir, « un peu », minimise-t-il. C’est
facile, son frère est éleveur en Normandie. Sa femme trône au magasin,
jonglant à la perfection avec les tickets de rationnement et le
poids drastique de la balance. Il ne rechigne pas non plus à servir
l’occupant. Son futur gendre est un collabo actif, à défaut d’être
un auteur dramatique potable. Un incident va pourtant bouleverser
la vie bien tranquille de monsieur Batignole: le vol de deux jambons
dans la cave de la charcuterie. Le gendre lui suggère d’aller demander
des comptes au juif du deuxième étage de l’immeuble. Celui-ci, prévenu
d’une rafle, s’apprête à quitter les lieux avec femme et enfants.
Mais le temps que les deux hommes s’entendent sur le coût des jambons,
le gendre prévient le commissariat le plus proche. La famille est
arrêtée et déportée. Cependant, Simon, le plus jeune fils, a réussi
à fuir. Il rentre à Paris comme le lui a recommandé son père. En
arrivant chez lui, il constate avec stupeur que les Batignole se
sont fait attribuer l’appartement, vidé de ses meubles par les officiers
S.S. Compassion ou complexe de culpabilité, monsieur Batignole cache
le petit Simon, part à la recherche du reste de sa famille. Après
bien des démêlés, il se retrouve à la gare avec Simon et ses deux
cousines du même âge, bien décidé à les faire passer en Suisse.
Depuis la fin de cette seconde guerre mondiale, les films sur ce
thème ont été nombreux. Citons en passant Le vieil homme et l’enfant,
Au revoir les enfants, Le sac de billes, Les années
sandwiches... Le film de Gérard Jugnot est d’autant plus méritoire
qu’il parvient à captiver son public de bout en bout et à émouvoir
avec un sujet tant de fois remis sur le métier. Mais Jugnot possède
cet art inné de surprendre avec l’oeil de sa caméra l’expression
d’un visage, la beauté d’un paysage. Il a aussi l’art des dialogues
où chaque mot est pesé et toujours à la limite entre le rire et
les larmes, l’art de la mise en scène à l’action prenante, nette,
étudiée, qui rebondit quand il le faut pour éviter l’ennui. Quant
à son interprétation et à celle de tous les acteurs, avec une mention
spéciale pour les enfants, elle force l’admiration pour la simplicité
et la force qu’elle dégage. Lien: www.bacfilms.com/batignole
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