MONDOVINO

Article publié dans la Lettre n° 234


MONDOVINO. Documentaire américain de Jonathan Nossiter (2004-couleurs-2h15).
Le vin fait partie du patrimoine et de la culture française depuis la nuit des temps. Vin est synonyme de France. Qu’elles soient bourguignonnes, bordelaises, jurassiennes, tourangelles, alsaciennes, des générations de familles de vignerons se sont succédé, veillant avec un savoir-faire sans pareil sur leurs hectares de vignes, afin d’en obtenir un vin d’une qualité exceptionnelle mais surtout d’une saveur unique qui, une fois mis en fûts, puis en bouteilles, allaient vieillir durant des décennies dans l’ombre et la fraîcheur des caves. Ce vin au goût de terroir est aujourd’hui en danger.
Jonathan Nossiter, cinéaste et sommelier américain, préoccupé par la mondialisation du vin, a arpenté le monde, caméra au poing, afin de faire un constat de cette nouvelle vision du produit qui menace sérieusement le vin du terroir. Les instigateurs de ce changement nous viennent en partie des Etats-Unis. Robert Mondavi a fondé une entreprise vinicole, chez lui en Californie, puis il s’est étendu en Amérique du Sud, en Australie et en Europe. Sa méthode: créer, à partir de manipulations, un vin identique partout, qui se boit vite car il ne vieillit pas. Aux dernières nouvelles, il aurait fait faillite, ce qui laisse un certain répit. Le deuxième fauteur de troubles est lui aussi américain. Robert Parker, grand critique en la matière, attribue des notes au vin du monde entier. Ses notes très suivies fixent les prix. Adepte du système Mondavi, il encense les vins fabriqués de cette manière et pénalise tous les vins de terroir, ceux qui résistent à cette uniformisation. Le troisième est français. Michel Rolland est considéré comme le plus grand consultant au monde. Il prodigue le même conseil à tous ses clients: l’oxygénation et la mise en fûts de bois neufs. Il connaît pourtant les conséquences de cette nouvelle méthode de vinification: une uniformisation du goût, un vieillissement devenu impossible et la disparition des vins de caractère.
De plus en plus de vignerons français suivent ses directives. Leur production d’une année sur l’autre est la même et leur vin semblable aux autres. La bénédiction de Robert Parker leur permet de l’écouler à bon prix sur le marché mondial. D’autres ont même franchi le pas. Comme certaines famille toscanes, ils ont vendu leur domaine à Robert Mondavi. Face à ces Méphistophélès de l’uniformisation, quelques Faust en perdition résistent encore. A l’instar de Monsieur Guibert, viticulteur de l’Hérault, soutenu par le maire communiste de sa commune, qui a refusé de vendre son vin à Mondovino, prêt à raser les collines (ce dernier n’en est pas encore revenu de « la bêtise de ce maire communiste! »). A l’instar de Hubert de Montille, propriétaire des vignobles de Volnay, qui avec ses enfants, lutte pour conserver l’héritage de ses ancêtres, la qualité de son bourgogne, amoureusement élaboré depuis des siècles, vin noble, au goût unique, différent chaque année et qui se bonifiera avec le temps.
A Cannes où Jonathan Nossiter l’a présenté, son reportage ne s'est pas imposé face au pamphlet politique de Michael Moore, bien plus médiatique. Et pourtant, Mondovino est un pavé dans la mare, un cri d’alarme beaucoup plus profond. Economiquement, à court terme, la mondialisation signe l’arrêt de mort du vin de terroir qui a fait la réputation de la France. A long terme, c’est la mort du vin français tout court, dont le prix de revient ne pourra concurrencer celui des pays d’Amérique latine, voire de l’Inde! De quoi faire réfléchir, s’il en est encore temps. Lien: http://www.mondovino-lefilm.com/


Retour à l'index des films

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction