MA
VIE SANS MOI
Article
publié dans la Lettre n° 222
MA VIE SANS MOI. Film espagnol d’Isabel
Coixet avec Sarah Polley, Scott Speedman, Mark Ruffalo (2002-couleurs-1h40).
Ann va avoir vingt-quatre ans. Femme de ménage de nuit à l’université,
elle habite dans une caravane près de la maison de sa mère avec
Don, son mari au chômage, Penny et Patsy ses deux fillettes. Elle
vit avec courage ce quotidien ingrat, où elle croise, plus qu’elle
ne voit, mari et enfants, mue par l’amour qu’elle leur porte. Elle
n’est ni heureuse, ni malheureuse, elle ne se pose même pas la question.
Elle vit tout simplement, selon les aléas du moment. Le jour où
son mari trouve du travail, un malaise la conduit aux urgences.
Le verdict tombe. Atteinte d’un cancer inopérable, elle n’a plus
que deux ou trois mois à vivre. Elle mesure alors combien sa petite
existence fut dérisoire face à ce qu’elle demandait de la vie et
à ce que celle-ci aurait pu lui offrir. Elle prend deux décisions:
ne parler à personne de cette mort annoncée et préparer la vie des
siens sans elle.
Ann prend un bloc et un stylo et dresse une liste de ce qu’elle
veut faire avant de mourir comme elle le ferait d’une liste de commissions.
Changer de coiffure, enregistrer des cassettes pour tous les anniversaires
de chacune de ses filles jusqu’à l’âge de 18 ans, prendre un amant
« pour voir comment ça fait », aller voir son père en prison, dont
elle n’a presque plus de souvenirs, et sortir sa mère de l’aigreur
dans laquelle elle s’est enfermée. Avec une lucidité farouche, elle
va réaliser l’un après l’autre tous ces projets, s’offrant même
le luxe de trouver une femme et une mère de remplacement pour Don,
Penny et Patsy. Touche après touche, comme pour une oeuvre d’art,
elle voit se dessiner peu à peu ce que sera sa vie sans elle,
son chef-d’oeuvre.
Réaliser un film à partir de cette nouvelle de Nanci Icincaid en
écartant tout mélo, c’est la prouesse que réalise la catalane Isabel
Coixet avec ce premier long métrage. Elle y réussit grâce à la justesse
de l’interprétation des différents comédiens et à la simplicité
des situations. Pas de plaintes ni de larmes, pas de scènes mélodramatiques,
seul le parti pris de filmer une jeune femme désireuse de laisser
derrière elle une peine plus supportable. Lien: www.cinecinema.fr/ds_les_salles/fiches/fiche_technique.html?id_fiche=47
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