LES LUNDIS AU SOLEIL

Article publié dans la Lettre n° 212


LES LUNDIS AU SOLEIL. Film espagnol de Fernando León de Aranoa avec Javier Bardem, Luis Tosar, José Ángel Egido, Serge Riaboukine (2002-couleurs-1h50).
Après la fermeture du chantier naval qui les employait, Santa, José, Lino, Amador et Reina n’ont pas retrouvé de travail. Un chômage longue durée, les cheveux qui blanchissent, le temps joue contre eux. Si les uns et les autres se sont sentis bernés et trahis, chacun ressent à sa façon son exclusion de la société à laquelle il appartenait il y a cinq ans. Lino est le plus acharné. Soutenu par sa femme et par son fils qui l’initie à l’informatique, il revêt chaque semaine un costume et se rend à des entretiens d’embauche, autant d’espoirs à chaque fois déçus. Reina a ouvert un bar grâce à ses indemnités. Sa fille Nata, ravissante adolescente, l’aide à tenir le coup. C’est pourquoi, chaque soir, tous se retrouvent chez lui à boire la dernière tournée offerte par le patron, qui calme les humeurs et tente de leur remonter le moral. Amador boit chaque jour davantage. Sa femme l’a quitté mais il cache à tous que personne ne l’attend plus lorsqu’il passe le seuil de sa porte. José s’accroche à son épouse: Ana travaille dans une conserverie pour un salaire de misère et des journées épuisantes. Elle n’en peut plus et songe elle aussi à quitter son mari. Santa est le plus rebelle de la bande. Javier Barbem lui prête son formidable talent, sa présence, sa prestance, son allure d’hidalgo au regard langoureux. C’est la quatrième fois qu’il est convoqué devant le tribunal pour avoir cassé un réverbère lors d’une grève. Les 8.000 pesetas de sa condamnation, il ne veut pas les payer malgré les injonctions du juge, les conseils de son avocat, las de plaider une cause qu’il sait indéfendable, et les allégations de ses copains qui n’ont pas envie de le voir finir en prison pour une somme aussi ridicule. Mais pour lui, cette somme représente des millions de pesetas, toute sa dignité. Il finira par céder mais sa vengeance, à la hauteur du personnage, en dit long sur la révolte d’un homme qui voit une partie de la société au chômage pendant que l’autre tire les marrons du feu, tout en sachant combien cette révolte est dérisoire.
Sorte de Ken Loach ibérique, Fernando León de Aranoa a choisi la rigueur et la simplicité pour traiter un sujet qui dépasse les Pyrénées. Il décrit avec une lucidité parfaite la lente descente aux enfers de ses personnages, exclus d’une société à la dérive. Son sens de l’humour, froid et caustique, éclaire son sombre constat d’un rayon de soleil, même si l’on en perçoit toute la dérision. Il offre une poignante illustration d’une tragédie devenue quotidienne en Europe et causée par la mondialisation. Son film a reçu de nombreux prix dont la Concha de oro et cinq Goya, l’équivalent espagnol des César français. Lien:
www.loslunesalsol.com/fr.htm


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