LUNDI MATIN

Article publié dans la Lettre n° 197


LUNDI MATIN. Film français de Otar Iosseliani avec Jacques Bidou, Anne Kravz Tarnavsky, Dato Tarielashvili, Arrigo Mozzo (2001-couleurs-2h00).
Vincent habite, en pleine campagne lyonnaise, une ancienne ferme délabrée avec sa femme peu loquace voire acâriate, des enfants indifférents et une mère loufoque et totalement absente. Il consacre ses rares moments de liberté à la peinture qui lui permet de s’évader de la réalité. Soudeur de profession, il emprunte chaque jour le même trajet, long et monotone, qui le conduit à l’usine chimique où il est employé. Mais ce jour-là, il n’écrase pas la cigarette qu’il vient d’allumer en descendant du car. Comme une fleur à la bouche, il la garde à ses lèvres et s’abstient de franchir, comme ses camarades, le seuil quotidien et forcé du labeur. Quelques minutes plus tard, allongé dans la verdure, il regarde de loin son usine fumante, profitant de cette journée sabbatique qu’il vient de s’accorder. Puis, le soir venu, loin de rentrer au bercail, il se rend chez son père qu’il n’a pas revu depuis des années et qui vit dans un appartement tout aussi délabré, mais qui garde le style bourgeois dans lequel Vincent a été élevé. « Mourant » à son arrivée, son père, aussi original que sa mère, « ressuscite » une fois sa soeur et ses amies parties et accueille son fils à bras ouverts, lui offrant à boire puis de l’argent en lui conseillant de jouer quelque temps la fille de l’air. Pourquoi pas Venise où il a un vieil ami dont il lui glisse l’adresse?
Vincent suit son conseil et découvre non pas la Venise des touristes mais celle des vénitiens. Il fait des rencontres, des amis, et se rend vite compte que leur vie ne diffère guère de la sienne. Après Venise, il foulera le sol de la Turquie puis de l’Egypte et sa famille suivra son escapade à coup de cartes, peintes par lui à l’aquarelle, et que sa femme déchirera avec rage sans les regarder.
Lundi matin, oeuvre malicieuse et pleine de charme, est typique des films du géorgien parce que, à l’image des autres, il donne avec acuité et humour une vision juste de la vie et des sentiments. La grande force du cinéaste ne réside pas seulement dans la lucidité de ses scénarios mais dans la grande originalité de ses personnages même secondaires. Le facteur qui ouvre les lettres avant de les distribuer, la dame pipi-travesti qui élève des rats, la mère de Vincent qui sillonne les environs à bord d’une Alfa Roméo antique, la cigarette au bec et l’écharpe au vent, le musicien italien mégalo, joué avec délectation par Iosseliani, autant d’individus qui ne font que croiser le destin du héros mais qui laissent un souvenir persistant. Aux dialogues verbeux, Iosseliani a toujours préféré le clin d’oeil à la Tati et l’observation des comportements et des situations. Il y a du monsieur Hulot dans son Vincent accomplissant, nonchalant et lunaire, ce voyage initiatique, se cherchant lui-même en observant les autres. Jacques Bidou, interprète du rôle, le comprend et l’exprime de façon remarquable. Lien:
www.celluloid-dreams.com/monday


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