LA JEUNE FILLE A LA PERLE

Article publié dans la Lettre n° 226


LA JEUNE FILLE A LA PERLE. Film américain de Peter Webber avec Colin Firth, Scarlett Johansson, Tom Wilkinson (2002-couleurs-1h40).
Delft, en 1665, est à l’apogée de la peinture flamande. Beaucoup de peintres bénéficient de mécènes, c’est le cas de Johannes Vermeer à qui le riche marchand Ruijven passe des commandes régulières. Au bord du canal, chez le peintre, règne un monde de femmes. Sa belle-mère régente la maison. Catherine, sa femme, davantage préoccupée par ses bijoux que par le train de sa maison, porte leur septième enfant. Tannake, la gouvernante, règne dans sa cuisine, jalouse de ses prérogatives et Cornelia, la fille aînée, montre déjà un caractère entier. Griet a seize ans lorsqu’elle entre comme servante au service des Vermeer. Si le travail est pénible, elle doit aussi affronter avec prudence la gent féminine qui l’épie, à l’affût du moindre faux-pas. C’est en nettoyant l’atelier de son maître que la jeune servante se familiarise avec le monde de l’art auquel l’avait initiée son père. Elle observe, compare et apprécie le travail de Vermeer qui, remarquant ses aptitudes et son goût, lui fait découvrir les jeux de l’ombre et de la lumière, lui explique les fabuleuses nuances des couleurs qu’il lui demande de préparer. C’est dans ce havre de paix, comparé au reste de la maison, que le peintre et sa servante vont vivre une intimité platonique faite de complicité. Il finira par la prendre comme modèle, au grand dam de la maisonnée et de la ville, pour un tableau célèbre.
C’est ce portrait qui a inspiré son roman à Tracy Chevalier. De Vermeer, on ne sait pratiquement rien si ce n’est sa difficulté de faire vivre une famille de onze enfants, tant sa production était lente, et sa mort précoce à 43 ans, laissant sa femme dans la gêne. La romancière a donc eu toute latitude pour bâtir son histoire, à partir des documents de l’époque pour la reconstitution, et de l'expression du regard du modèle pour l’intrigue. Très fidèle au roman, Peter Webber reconstitue avec une précision extrême l’époque, la ville, l’animation de ses quartiers et la vie quotidienne des habitants. Il met en relief les sentiments de Griet, qui découvre un monde aux antipodes du sien et ceux du peintre, homme sensible et introverti qui, incompris par son entourage, trouve soudain une alliée en la jeune fille. Les deux rôles sont admirablement interprétés par Colin Firth et Scarlett Johansson. L'un, comédien britannique, campe un Vermeer sensible et attachant, l'autre cerne à merveille les émotions cachées de son personnage, toute jeune fille intelligente et sensible qui, à la vue de sa propre image soufflera, ébahie: « Vous m’avez percée à jour ». C’est en effet l’impression que donne la toile, cette recherche profonde de l’intimité intérieure de son modèle. Elle fut le sujet de l’une de ses dernières oeuvres, une perle rare, comme le film. Lien: www.lajeunefillealaperle.com/


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