JE RENTRE A LA MAISON

Article publié dans la Lettre n° 189


JE RENTRE A LA MAISON. Film franco-portugais de Manoel de Oliveira avec Michel Piccoli, Antoine Chappey, Leonor Silveira, Ricardo Trepa, John Malkovich (2001-couleurs-1h30).
Alors qu’il se trouve sur scène, jouant le Roi Béranger dans Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco, Gilbert Valence, grand acteur reconnu, apprend, à l'issue de la représentation, qu’il vient de perdre sa femme, sa fille et son gendre dans un accident de la route. Mais l' existence pour Gilbert doit suivre son cours même s’il ne lui reste que sa gouvernante et Serge, son petit-fils, dont il a la garde. Autour de lui, la vie continue aussi et il est d’abord un spectateur passif dans ce Paris qu’il semble aimer et qu’il observe muet, puis redevient peu à peu acteur de sa vie: « Je vis comme je peux avec ma solitudine », aime t-il à répéter. Il refuse un rôle important et surtout lucratif dans un téléfilm mais accepte, contre toute attente, un petit rôle en anglais dans le film d’un réalisateur américain parce qu’il s’agit d’une adaptation d’Ulysse de Joyce. Mais si jusqu’à présent le personnage avait pris le pas sur la personne, les aléas de la vie vont faire leur oeuvre.
Si, au début du film, la scène de la pièce Le Roi se meurt semble un peu longue, elle est cependant nécessaire car cet épisode chaotique va donner le ton au film. Dans l'oeuvre de Ionesco, Béranger monologue dans sa déraison. En quittant le plateau, au milieu de la répétition d'Ulysse, Valence en costume de scène, soliloque en marchant dans les rues, la raison semblant l'avoir abandonné.
Où finit l’homme, où commence l’acteur? Où se trouvent les limites entre les deux? Manoel de Oliveira répond à ces interrogations avec maestria par l’extrême maîtrise de la mise en scène, le mélange savant de la tragédie et de la comédie, le symbolisme contenu dans le choix des pièces et le jeu époustouflant de Michel Piccoli. On notera l’emploi judicieux de la musique et les nombreux clins d’oeil qui jalonnent le film, celui, entre autres, de John Malkocich (remarquable), acceptant un petit rôle dans ce film tout comme Gilbert Valence accepte de jouer un petit rôle de remplacement dans Ulysse. Ici la réalité se mêle à la fiction. Un coup de maître pour ce grand réalisateur de quatre-vingt-treize ans. Lien:
www.cinemas-de-recherche.org/films_soutenus/rentre.htm.


Retour à l'index des films

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction