INTERVENTION DIVINE
Article
publié dans la Lettre n° 205
INTERVENTION
DIVINE. Film palestinien de Elia
Suleiman avec Elia Suleiman, Manal Khader, Nayef Fahoun Daher (2002-couleurs-1h30).
A Nazareth, un père Noël gravit les collines, courant à perdre haleine
pour échapper à une bande de jeunes qui ne lui veulent pas que du
bien. Il a un couteau planté dans le torse. En ville, un homme depuis
sa voiture, salue les piétons tout en les injuriant entre ses dents.
Un autre s’ingénie à détruire un muret que son voisin vient de construire
avec le plus grand soin. Plus loin, un homme jette régulièrement
son sac poubelle dans le jardin de sa voisine et s’étonne qu’elle
les lui renvoie dans sa cour, excédée. Plus loin encore, un homme
balance sur les passants des bouteilles vides depuis sa terrasse.
La nuit, une voiture traverse les rues, s’arrête devant une villa.
Un bras sort et jette une grenade dans le jardin, puis la voiture
reprend sa course. Quelqu’un sort sur le seuil et éteint, impassible,
l’incendie à l’aide d’un extincteur. A l’arrêt de bus, un jeune
homme attend un car qui ne viendra jamais. Il a écrit sur un mur:
«Je suis fou parce que je t’aime». La jeune fille, destinataire
de cette déclaration d’amour, habite de l’autre côté de la frontière.
Chaque jour, ils se retrouvent en voiture au check point de Al Ram,
poste de garde situé entre Ramallah et Jérusalem. Silencieux, ils
observent ensemble le ballet fou des voitures depuis le parking
puis, le soir venu, chacun reprend sa route en sens inverse.
Au poste de garde non plus, ce n’est pas triste. On ne passe que
d’un côté. De l’autre, on a intérêt à déguerpir si l’on ne veut
pas recevoir une salve. Une jeune femme pourtant ne s’en émeut pas.
Imperturbable, elle descend de voiture et se dirige à pied, lunettes
noires et talons hauts vers la ligne frontière. Les quatre gardes
la laissent passer, mi-émerveillés mi-stupéfaits par cette superbe
apparition qui, au passage, enlève ses lunettes et leur jette un
regard glacé. Il est clair que les nerfs des citoyens arabes résidant
en Israël craquent.
Dans cette « chronique d’amour et de douleur », le réalisateur,
scénariste et interprète Elia Suleiman décrit en une suite de scènes
hallucinantes, où les personnages sont pratiquement muets, les conséquences
sur la population du conflit israélo-arabe. Son humour burlesque
et corrosif, complètement décalé, prend son inspiration chez Jacques
Tati, ou Buster Keaton. Prix du Jury et de la Critique Internationale
au dernier Festival de Cannes, Elia Suleiman a expliqué son oeuve
de cette façon: « Mon film relève de la poésie, au sens où la poésie
est l’affirmation de la possibilité d’un monde meilleur».
Lien: www.pyramidefilms.fr/intervention-divine.
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