LE
GOUT DES AUTRES
Article
publié dans la Lettre n° 169
LE
GOUT DES AUTRES. Film français
de Agnès Jaoui avec Jean-Pierre Bacri, Alain Chabat, Gérard Lanvin,
Anne Alvaro, Agnès Jaoui (1999-couleurs-1h50).
A Rouen, sur la scène du Théâtre des Deux Rives, Titus s’agite,
Bérénice pleure. Dans la salle, Jean-Jacques Castella est de très
méchante humeur. Sa femme l’a traîné là pour voir sa nièce jouer
un rôle mineur dans cette pièce, en vers en plus! Mais à mesure
que la représentation se déroule, Jean-Jacques se détend, envoûté
par le talent de cette Bérénice dont il n’avait jamais entendu parler
mais qui l’émeut au plus profond de lui-même. Dans son coeur frustre,
vont se loger et le personnage et l’artiste qui l’incarne. P.D.G
d’une entreprise en plein essor, Jean-Jacques s’est fait tout seul.
Les études, l’art, la culture, il ne connaît pas, pas plus d’ailleurs
que les gens qui l’entourent et qu’il apostrophent agacé. Bérénice
va le faire entrer dans un autre monde, va lui permettre de porter
un regard sur les autres et sur une classe sociale insoupçonnée.
Ses premiers pas vont être maladroits. Désorienté, Il fera de nombreuses
gaffes, mais peu à peu, il va apprendre à regarder ce qui l’entoure,
un tableau, un objet et cette faune étrange qui gravite autour de
lui dont les points communs sont la solitude, l’angoisse, la soif
d’être aimé, la crainte de l’échec et la peur du regard des autres
qui faisait si bien dire à Sartre: « l’enfer, c’est les autres
».
Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri ont connu leur premier très grand
succès avec Cuisine et dépendances. Déjà, on pressentait chez eux
de grandes qualités d’observateurs de l’âme humaine et ce talent
inné de l’écriture, du dialogue. Dans Le goût des autres, Agnès
Jaoui fait cavalier seul et s’envole. Les thèmes qu’elle traitait
autrefois plus légèrement sont devenus sous sa plume plus graves,
plus profonds et plus douloureux. Elle nous livre ici un petit chef-d’oeuvre
où tout se met en place avec une extrême perfection. Pas de scènes
inutiles mais une suite de situations inédites et inventives, à
la fois comiques et dramatiques où chaque mot, chaque répartie,
chaque dialogue sont ciselés. Le choix des comédiens est exceptionnel.
On ne peut s’appesantir sur le talent de tous mais prenons la place
d’écrire à quel point Jean-Pierre Bacri est époustouflant dans le
rôle de Jean-Jacques. Dans cette symphonie ou tout sonne juste,
on cherche vainement ce qui pourrait détonner. Rien: décor, musique,
costumes tout est parfait. L’émotion est là, présente de la première
à la dernière image, du très grand cinéma. Lien:
www.legoutdesautres.com/
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